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RÉALITÉ – IRRÉALITÉ

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REALITATE – IREALITATE REALITY – UNREALITY

RÉALITÉ – IRRÉALITÉ

l 24 (2/2019)

Editura Universităţii „Alexandru Ioan Cuza” Iaşi

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Acta Iassyensia Comparationis

Realitate – Irealitate Reality – Unreality

Réalité – Irréalité

24 (2/2019) http://literaturacomparata.ro/Site_Acta/index.html

A

bordând relaţia dintre realitate şi irealitate/suprarealitate în lucrări literare ilustrând tradiţii şi epoci diferite, contribuţiile la numărul 24 (2/2019) al AIC, aduse împreună în spaţiul aceluiaşi volum, arată încă o dată puterea arhetipală a acestor două viziuni – complementare şi totuşi contradictorii – asupra lumii. Cele paisprezece articole, semnate de autori din Europa, Africa şi America, demonstrează diversitatea perspectivelor din care poate fi abordată această temă literară şi culturală de mare impact şi denotă totodată persistenţa ei în timp. Reprezentând domenii diverse, precum istoria literară, teoria literară, naratologia, li - teratura comparată, tematologia, studiile culturale, studiile coloniale şi postcoloniale, articolele din noul volum surprind literatura în conexiunile sale cu alte arte, precum şi cu mitologia, filozofia, psihologia şi poli - ti ca. În acest număr al revistei sunt tratate noi subiecte literare, asociate unor noi moduri culturale de a con - cepe relaţia dintre realitate şi irealitate, precum recenta criză economică din secolul XXI şi dezastrele pro vocate de manipularea greşită a energiei nucleare, alături de subiecte mai tradiţionale, cum ar fi diver gen - ţa/convergenţa dintre adevăr şi ficţiune, dintre factual şi ideal în cadrul unei operei literare.

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A

pproaching the relation between reality and unreality/surreality in literary works standing for dif- ferent traditions and epochs, the contributions to the 24thissue (2/2019) of AICshow once more, when brought together in the space of one volume, the archetypal force of these two complementary, but conflicting worldviews. The fourteen articles, signed by authors from Europe, Africa and America, plead for the variety of perspectives from which a literary and cultural theme of such a great impact can be dealt with, and illustrate its persistence in time. Pertaining to fields as diverse as literary history, literary theory, narratology, comparative literature, thematics, cultural studies, colonial and postcolonial studies, the works included in the new volume envision literature in its connections to other arts, to mythology, philosophy, psychology and politics. Within the present issue, new literary topics, associated to new cultural ways of conceiving the relation between reality and unreality, such as the recent 21stcentury economic crisis and the catastrophes entailed by poor manipulation of nuclear energy, meet more traditional ones, such as the di- vergence/convergence of truth and fiction, of factual and ideal in a given literary work.

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T

raitant de la relation entre réalité et irréalité/surréalité dans des œuvres littéraires représentant des traditions et des époques différentes, les contributions au 24èmenuméro (2/2019) de AIC, réunies dans l’espace du même volume, montrent une fois de plus la force archétypale de ces deux visions du monde, complémentaires, et pourtant contradictoires. Les quatorze articles, signés par des auteurs d’Europe, d’Afrique et d’Amérique, témoignent de la diversité des perspectives dont on peut aborder un thème littéraire et culturel si important et prouvent sa persistance dans le temps. Rattachés à des domaines aussi divers que l’histoire littéraire, la théorie littéraire, la narratologie, la littérature comparée, la thématologie, les études cul- turelles, les études coloniales et postcoloniales, les contributions au nouveau volume saisissent la littérature dans ses liens avec d’autres arts, ainsi qu’avec la mythologie, la philosophie, la psychologie et la politique.

Dans le présent numéro, de nouveaux sujets littéraires, associés à de nouvelles façons culturelles de concevoir le rapport entre réalité et irréalité, tels que la récente crise économique du XXIèmesiècle et les catastrophes in duites par une mauvaise manipulation de l’énergie nucléaire, rejoignent des sujets plus traditionnels, comme la divergence/convergence entre la vérité et la fiction, entre le factuel et l’idéal dans une œuvre littéraire.

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Cuprins/Contents/Contenu

Petruţa SPÂNU

« Hop-là, hop-là, telle est notre devise » (le surréalisme belge en littérature)...1

Gabriele BIZZARRI

‘Un viejo que leía novelas del boom’: natura, cultura y maravilla en Luis Sepúlveda...11

Alexandru POPA

Realität der Tragödie – Irrealität des Dramas. Eine Interpretation von J.W. Goethes

Iphigenie auf Taurisals Beleg für fiktive dramatische Geschehnisse...29

Elyssa REBAI

Du jardin réel au jardin rêvé dans la fiction de George Sand : déclinaisons et fonctions...41

Moussa CAMARA

Illusion et réalité dans Madame Bovaryet L’Éducation sentimentalede Gustave Flaubert...51

Erika PADOVA

Au carrefour du réel et de l’irréel : de l’imagination chez Villiers de l’Isle-Adam, Oscar Wilde et

Gabriele D’Annunzio...61

Mattia DELMONDO

La poetica dell’«irrealtà quotidiana» nella Nativitàdi Alberto Moravia...73

Flavien FALANTIN

Frantz Fanon ou l’insoutenable irréalité de l’être.

Vers une analyse littéraire et lectorielle de la lactification...83

Célestine Dibor SARR

De la fiction à la réalité dans le Nouveau Roman : la saisie du tropisme chez Nathalie Sarraute...93

Giuseppe CRIVELLA

Il reale e il suo doppio... Sartre e Blanchot: quale immaginario per il omanzo?...103

Monica TAMAŞ

Tales of an Improbable Reality and Its Consequences. Yoko Tawada’s The Emissary...117

Maura ROSSI

Ante la dura realidad, imaginación: el ‘contra-realismo’ de Isaac Rosa en

Aquí vivió y Tu futuro empieza aquí...129

Maria-Luisa ŢUCULEANU

L’expérience de la lumière et de la (non)couleur entre réalité et irréalité chez Eugène Ionesco...143

Laurent BALAGUÉ

Réalité et irréalité dans L’Homme sans qualités de Robert Musil...151

Lavinia SIMILARU

Realidad e irrealidad en Marianela de Benito Pérez Galdós...163 nr. 24AIC 2/2019

©2019 AIC

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DOI:10.47743/aic-2019-2-0001

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PETRUŢA SPÂNU

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L’apparition du groupe surréaliste belge, que son histoire montre en liaison constante avec le mouvement fondé par André Breton en 1924, remonte à 1926. Mais si 1926 est un point de départ, c’est aussi l’aboutissement d’une série d’expériences antérieures, dont l’étude éclaire les origines et définit quelques-unes des composantes du surréalisme en Belgique.

C’est à la fin de la guerre que se situent les premières rencontres qui rapprochent certains des futurs fondateurs du groupe surréaliste belge. S’ils sont tous trop jeunes pour pouvoir être mobilisés (comme Louis Aragon, André Breton, Paul Éluard ou Benjamin Péret), ils ressentent le même écœurement que les Français, dont Maurice Nadeau écrit : « Ils ne veulent plus rien avoir de commun avec une civilisation qui a perdu ses raisons d’être » (1967 : 16).

En Belgique comme en France le traumatisme de la guerre entre pour une bonne part dans la résolution de faire table rase qu’ont prise quelques jeunes gens dont nous allons parler.

Rencontre avec Dada

René Magritte et Édouard Léon Théodore Mesens se rencontrent en 1919, à la petite galerie Le Centre d’art, où Magritte expose pour la première fois. Ils vont bientôt découvrir Dada. Leur collaboration au dernier numéro de la revue de Francis Picabia, 391, à l’automne 1924, tout comme les deux revues, Œsophage (1925, numéro unique) et Marie (1926-1927), qu’ils éditeront ensuite, marquent leur participation active à l’« état d’esprit » Dada. Même si cette participation paraît tardive, leur initiation remonte au moins à 1921.

Le groupe Dada prend naissance à Zurich, en Suisse, et presque simultanément, à Anvers.

Clément Pansaers (1885-1922), peintre, poète et graveur, y fonde la revue Résurrection (1916- 1918), où il publie ses propres textes, érotiques et subversifs, et des traductions de poèmes expressionnistes des modernistes allemands. Le contact de Pansaers avec les dadaïstes s’établit à peine après la guerre, quand ceux-ci font de Paris le centre du mouvement.

À la même époque, Roger Avermaete fonde à Anvers le groupe littéraire Lumière (1919), avec un programme plus modéré, en critiquant l’inertie de la couche âgée de la société. Son roman anti-utopique La Conjuration des chats (1920) – sur les chats qui s’emparent du monde, mais ne tombent pas d’accord sur l’ordre futur –, contient des scènes brillantes persiflant les discussions entre les chats de gouttière, partisans de l’anarchie, et les chats angora, peignés, partisans des réformes.

L’esprit de réconciliation et la « littérarité » du groupe Lumière déterminent le départ des plus agités, Maurice Van Essche, Paul Neuhuys, Paul Joostens, qui fondent la revue Ça ira (1920-1923, 20 numéros). La réussite maximale en est le numéro consacré au dadaïsme. Le public belge connaît ainsi l’image de ce mouvement, mais cette action s’avère suicidaire, parce que, en imitant les dadaïstes, Pansaers met en cause le sens même de la littérature. Puisque la littérature n’a pas de sens, pensaient les lecteurs lucides, alors pourquoi écrivent les dadaïstes ? À la disparition de la revue contribuent aussi les disputes entre les rédacteurs, qui s’accusent mutuellement de capitulation et, enfin, la mort de son animateur, Pansaers, en 1922, à 37 ans seulement. La maison d’avant-garde, initiée par le groupe Ça ira, résistera jusqu’en 1965.

À Liège, Georges Linze fonde en 1920, avec un groupe d’écrivains et de peintres locaux, l’association du Groupe Moderne d’Art de Liège, qui édite jusqu’en 1940 la revue Anthologie, ouverte aux futuristes autochtones, comme Edmond Vandercammen, et abritant souvent dans ses colonnes le maître même, Filippo Tommaso Marinetti.

Bruxelles ne reste pas en arrière. En 1921, est fondé à l’Université Libre de Bruxelles la revue La Lanterne sourde, qui a comme objectif le rapprochement des cercles universitaires de l’avant-garde artistique, la collaboration franco-belge et la protection de la poésie moderniste.

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L’année suivante, les frères Bourgeois fondent une revue semblable, 7 Arts, et Franz Hellens commence à éditer le mensuel Signaux de France et de Belgique. Ces périodiques fusionneront dans Le Disque Vert, revue mensuelle de littérature, qui, avec interruptions et adoptant temporairement les titres Écrits du Nord et Nord, paraît jusqu’en 1957. Franz Hellens rassemble autour de la revue les plus remarquables écrivains non-conformistes. Au Disque Vert collaborent Robert Goffin, Georges Eekhoud, André Baillon, Charles Plisnier, Camille Goemans, Henri Michaux et de nombreux Français et Suisses, comme Paul Fort, Edmond Jaloux, Jean Cocteau, André Malraux, Blaise Cendrars, Le Corbusier. Le mensuel et la maison d’édition littéraire qu’il abrite deviennent donc la plaque tournante de l’avant-garde européenne de l’entre-deux-guerres, et les fascicules publiées après la seconde guerre mondiale inséreront tous les auteurs novateurs, Samuel Beckett en tête.

En Belgique, le surréalisme apparaît en même temps et dans un climat intellectuel semblable à celui de la France, non comme une imitation, mais comme une variante, souvent en opposition avec le groupe parisien de Breton, qui avait adopté comme dénomination le néologisme inventé par Guillaume Apollinaire1. Il n’a jamais été un courant homogène du point de vue philosophique ou littéraire. Les coryphées mêmes, André Breton, Salvador Dali, Paul Nougé ou René Magritte, ne sont pas conséquents dans leurs définitions, souvent extravagantes, qu’ils changent en fonction du moment, ayant comme but de désorienter le lecteur, habitué aux définitions logiques. En dehors des déclarations sérieuses, contenues dans les manifestes, dans les appels et les écrits polémiques, apparaissent aussi des textes ludiques, qui se moquent du destinataire, par exemple les dix-sept réponses de Breton à la question Qu’est-ce que le surréalisme ? (1934) ou Les 5 commandements de René Magritte et d’É. L. T. Mesens, lesquels expriment le climat dominant parmi les surréalistes :

1. Comme politique nous pratiquerons l’autodestruction à tour de bras et la confiance dans les vertus humaines.

2. Tous nos collaborateurs devront être beaux afin que nous puissions publier leur portrait.

3. Nous protesterons énergiquement contre toutes les décadences : l’érudition, la Chartreuse de Parme, le dadaïsme et ses succédanés, la morale, la jonction nord-midi, la syphilis à ses divers degrés, la cocaïne, le poil-à-gratter, l’instruction obligatoire, la polyrythmie, la polytonie, la polynésie, les vices charnels et en particulier l’homosexualité sous toutes ses formes.

4. Notre fraîcheur ne subira pas les tuyaux usés ni les femmes de nos amis.

5. Nous refuserons en toutes circonstances d’expliquer ce que précisément l’on ne comprendra pas.

Notre entreprise est folle comme nos espérances. Les plus grandes précautions étant prises pour les choses de la moindre importance, nous ne réclamons rien, l’amour de l’état- major des jeunes filles importe davantage.

« Hop-là, hop-là », telle est notre devise. (Œsophage, 1925)

1 Le substantif « surréalisme » apparaît pour la première fois en mars 1917 dans une lettre de Guillaume Apollinaire à Paul Dermée : « Tout bien examiné, je crois en effet qu’il vaut mieux adopter surréalisme que surnaturalisme que j’avais d’abord employé. Le mot „surréalisme” n’existe pas encore dans les dictionnaires, et il sera plus commode à manier que surnaturalisme déjà employé par MM. les Philosophes » (Clébert, 1996 : 17).

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PETRUŢA SPÂNU

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Le chef des surréalistes belges, l’animateur intellectuel du groupe, Paul Nougé, s’adresse ainsi aux futurs commentateurs :

« EXÉGÈTES, POUR Y VOIR CLAIR,

RAYEZ LE MOT SURRÉALISME ! »2

En dépit de son impétuosité, le surréalisme est un phénomène assez fort pour laisser son empreinte sur toute la littérature de l’entre-deux-guerres, et les effets de son influence sont visibles jusqu’à aujourd’hui, par exemple dans le libéralisme croissant de l’art et son ancrage dans l’analyse freudienne. Les surréalistes sont liés par des traits communs, malgré le fait qu’ils se disputent souvent et « s’excommunient » mutuellement : l’agressivité vis-à-vis des traditions bourgeoises, l’érotisme, la recherche du scandale, l’expérimentation dans l’art, la proclamation de l’absurde de l’existence, au moins dans les formes produites par la civilisation européenne.

Ils ont la tendance à se grouper. Leurs textes sont signés par plusieurs auteurs, mais leurs manifestes, leurs appels et leurs tracts manquent d’individualité.

En Belgique, prennent naissance, indépendants l’un et l’autre, deux centres d’activité surréaliste, à Bruxelles (1924) et, dans le Hainaut (1939) – à Haine-Saint-Paul et à La Louvière.

Les principaux initiateurs du groupe bruxellois sont Paul Nougé (1895-1967), Camille Goemans (1900-1960) et Marcel Lecomte (1900-1966), auxquels se joignent le compositeur André Souris (1899-1970), le peintre René Magritte (1898-1967), É. L. T. Mesen (1903-1971), Paul Colinet (1898-1957) et Louis Scutenaire (1905-1987). Après la première guerre mondiale, reprend son activité la deuxième génération. Ici nous attirons l’attention sur la persistance du surréalisme en Belgique, à la différence de la France, où, même avant la seconde guerre mondiale, ses partisans se dispersent, et André Breton essaie de ressusciter le mouvement en Amérique Latine.

L’animateur du groupe du Hainaut, nommé Rupture, est Achille Chavée (1906-1969). À côté de lui, s’affirment comme adhérents du groupe Fernand Dumont (de son vrai nom Fernand Demoustier, 1906-1945), Marcel Havrenne (1912-1957) et quelques autres. Les deux centres maintiennent le contact avec les surréalistes parisiens, mais leur collaboration n’est pas toujours harmonieuse, parce que les Belges n’acceptent pas toutes les conceptions du groupe de Breton.

Le 22 novembre 1924, Paul Nougé inaugure une série de tracts intitulée Correspondance, par lesquels il précède de quelques jours le premier numéro de La Révolution surréaliste du 1er décembre 1924, l’« organe officiel » des surréalistes parisiens. Ceux-ci paraissent tous les dix jours jusqu’à la moitié de 1925, en tout vingt-deux tracts, chacun sur un papier de couleur différente, imprimés dans une centaine d’exemplaires. Les auteurs en sont alternativement Nougé, Goemans et Lecomte, qui précisent leur attitude vis-à-vis des événements les plus importants ou attaquent des personnalités remarquables du monde littéraire, en imitant le style de leurs victimes. Les tracts ne sont pas mis en vente, mais envoyés aux personnalités les plus actives d’alors. Chaque tract en porte le nom de sa couleur (bleu 1, rose 2, jaune 8, nankin 14,

2 Cette phrase, conçue à l’occasion d’une exposition surréaliste, organisée à Bruxelles en 1945, avait été écrite par André Souris sur un tableau, d’abord voilé, qu’il a découvert au cours de sa conférence (Bussy, 1972 : 432).

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etc.). L’écriture en est sibyllique et uniforme, comme dépersonnalisée, constituant chaque fois une riposte à un événement littéraire récent, par exemple :

La défiance que nous inspire l’écriture ne laisse pas de se mêler d’une façon curieuse au sentiment des vertus qu’il lui faut bien reconnaître. Il n’est pas douteux qu’il ne possède une aptitude singulière à nous maintenir dans cette zone fertile en dangers, en périls renouvelés, la seule où nous puissions espérer de vivre. L’état de guerre sans issue qu’il nous importe d’entretenir en nous, autour de nous, l’on constate tous les jours de quelle manière elle le peut garantir. Ce tour précaire, cette démarche équivoque, une sournoise humilité, est-il d’autre raison de lui être fidèle ? (Mariën, 1979 : 59-87)

Dans les années 1920, paraissent à Bruxelles quelques revues surréalistes, en général éphémères, comme Œsophage (1925), Marie (1926-1927), Distances (1928), Variétés (1929). Les surréalistes publient aussi leurs textes sous la forme des plaquettes de poésies, des catalogues d’expositions, organisent des conférences, des manifestations ou de bruyantes actions musicales ou littéraires. Ils produisent des scandales retentissants en 1926, en interrompant la représentation de la pièce de Géo Norge, Tam-Tam, et de la pièce d’avant-garde Les Mariés de la tour Eiffel de Jean Cocteau. Le paradoxe du surréalisme belge est la lutte contre la langue, surtout celle « institutionnalisée » par la stéréotypie lexicale, syntaxique et métaphorique, ce qui rend leurs premiers textes inintelligibles, difficilement décodables. Mais les surréalistes adopteront plus tard une certaine rigueur. À la différence des Français, qui considéraient qu’ils

« possèdent la langue », les Belges sont convaincus que « la langue les possède » et qu’elle constitue un facteur supplémentaire d’oppression de l’homme, parce qu’elle le pousse dans les limites et les conventions imposées. L’attention accordée à la forme de l’énoncé, à la couche linguistique du texte mène Nougé, Goemans et Chavée à des jeux de mots et des calambours.

Sauf Dumont, resté fidèle à la manière onirique, plus désinvolte, les autres membres des deux groupes écrivent logiquement. Leur forme préférée est le poème en prose de petite dimension.

La concision avait besoin de l’emploi conscient et économique du mot.

Les années 1920 sont une période de mésentente entre les surréalistes belges et français.

Ils sont « incompatibles » (Vilar, 2005 : 3). Les Belges n’acceptent pas le rôle d’instrument de l’art au service de l’idéologie. Lorsque certains surréalistes, comme Aragon et Éluard entrent dans le Parti Communiste Français ou dans d’autres groupes de gauche et mettent leur art littéraire au service de la propagande, les Belges restent de côté. Ils isolent catégoriquement les deux plans de leur activité : politique – engagé, et artistique – libéral. Par exemple, Nougé était un des cofondateurs de la section belge de la Troisième Internationale, mais il ne recevait aucun ordre dans son activité littéraire, et manifestait son indépendance, surtout dans ses nombreux essais et réflexions politiques, publiés beaucoup plus tard dans les recueils Histoire de ne pas rire (1956) et Expérience continue (1966). C’est à peine les années 1930 qui apporteront des changements dans ce domaine. La menace continuelle du nazisme, ressentie en Belgique surtout après la remilitarisation de la Rhénanie par l’Allemagne, ainsi que la guerre civile en Espagne déterminent le mouvement surréaliste à s’approcher de la gauche politique.

Créé en 1934, le groupe Rupture avait déjà publié des textes de revendication sociale. Se placent en tête les poésies ferventes de Chavée du recueil Pour cause déterminée (1935) et Le Cendrier de chair (1936). Un moment décisif dans le développement du surréalisme est le procès d’Aragon en 1932, déféré par les autorités françaises au tribunal parce que dans son poème Le Front rouge, écrit après son retour de l’U.R.S.S., il instiguait les soldats des armées coloniales à la

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désobéissance et à l’anarchie. Les surréalistes belges répondent par une protestation – qui avait recueilli plus de trois cents signatures –, en mars 1932, en accusant, à leur tour, les autorités bourgeoises d’action contraire aux principes du libéralisme.

Le développement des revues dadaïstes et surréalistes en Belgique atteste, dans les années 1920, le déplacement du centre de gravité des questions politiques à celles artistiques, et, dans les années 1930, l’inverse : les problèmes de l’art cèdent le pas peu à peu à la thématique politique. Les revues Documents (à partir de 1933), Le Bulletin International du Surréalisme (à partir de 1935) et Mauvais Temps (à partir de 1935) sont les preuves de cette deuxième phase de développement.

Le groupe Rupture organise en collaboration avec Mesens la grande exposition surréaliste internationale à La Louvière (1935), avec les œuvres de Picasso, de Magritte et d’Ernst. Après le retour de Chavée d’Espagne, où il avait combattu dans la brigade Dąbrowski3, celui-ci fonde un autre groupe intitulé le Groupe Surréaliste du Hainaut, dont les membres sont des auteurs d’aphorismes sarcastiques. La seconde guerre mondiale interrompt leur création, Chavée luttant dans le mouvement de la Résistance, Havrenne passant la guerre dans un camp, et Dumont étant mort dans le camp de concentration de Belsen.

Le mouvement surréaliste contribue à la revigoration intellectuelle, dans une mesure plus grande en Belgique qu’en France, où il y avait la forte tradition de la polémique acharnée, de la critique destructive, de l’art contestataire, et vers laquelle s’est toujours dirigée la bohème artistique effervescente de toute l’Europe. Il paraît que les surréalistes belges sont conscients de cette différence et que la distance qu’ils gardaient souvent par rapport au milieu parisien résulte aussi de cette conscience. Ils se rendent compte qu’ils peuvent influencer plus fort la société par les plaquettes de poésies que par les affiches, placards, manifestations verbales et musicales ou annonces frappantes dans la presse. Leurs textes ont été longtemps inaccessibles.

Disséminés dans les revues, les feuilles volantes, les catalogues, gardés en manuscrits par les collectionneurs ou les bibliophiles4, édités incomplètement et en petits tirages, ils ne paraissent qu’aux années 1970, en anthologies ou recueils de documents, comme l’album L’Activité surréaliste en Belgique (1924-1950) (1979), édité par Marcel Mariën (1920-2005), membre marquant et plein de verve de la deuxième génération de surréalistes, ou plus récemment5.

Le trait principal de leur création littéraire est leur caractère concis et lapidaire. Dominent les formes courtes, surtout l’aphorisme et le calambour, les impressions lyriques, écrites en vers ou en prose. Les surréalistes préfèrent parodier les écrivains connus, Baudelaire ou Lautréamont, par exemple. Ils taquinent leurs lecteurs par l’interruption du déroulement du récit, la perturbation de la logique narrative et des liaisons causales, la réduction à l’absurde, les conclusions inattendues et les pointes déroutantes, ce qui dépasse de loin la manière moderniste des écrivains qui leur étaient contemporains mais qui ne faisaient pas partie du cercle surréaliste. Les textes lyriques et narratifs dégagent de la raillerie et de l’ironie. Les Belges considèrent que la spontanéité de l’« écriture automatique » est illusoire et mettent l’accent sur

3 La Brigade Dąbrowski (Dąbrowszczacy en polonais) est une unité de volontaires ayant pris part à la guerre civile espagnole au sein des Brigades internationales (1936-1939). Son nom vient de l’officier polonais Jaroslaw Dąbrowski (1836-1871) qui participa entre autres à la Commune de Paris.

4 Chavée et Scutenaire, par exemple, avaient l’habitude d’inscrire leurs aphorismes sur des supports de bière et se désintéressaient de leurs publications.

5 Aux éditions Didier Devillez, Collection Fac-similé : Correspondance (1993), Œsophage (1993), Marie (1993), Mauvais Temps (1993), Distances (1994), Variétés. Le surréalisme en 1929 (1994), Le Sens propre (1995), L’Invention collective (1995), Le Surréalisme révolutionnaire (1999), etc.

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l’invention. Contrairement à Breton ou à Soupault, ils croient que les descriptions oniriques ne se découvrent pas, mais se créent. Cette conception les place assez loin de la recherche freudienne de l’énigme du subconscient. Ce n’est que dans l’étude des causes des obsessions et des dénaturations que les surréalistes belges restent fidèles à la psychanalyse. Les accents érotiques, surtout la jonction du motif de l’amour et de la mort, sont très puissants. Le lien Éros-Thanatos est compris comme la plus haute expression de l’amour, non seulement par les surréalistes, mais aussi par de nombreux représentants de l’avant-garde, comme Franz Hellens ou Jean de Bosschère. Mais, à la différence de ceux-ci, réunis au Disque Vert, les surréalistes refusent l’esthétisme. Ils combattent également les religions officielles, non seulement au nom du refus du fidéisme, mais parce qu’ils y voient des éléments qui limitent la liberté de l’homme.

D’où les fréquents accents blasphématoires dans leurs créations. La lutte pour la priorité de l’art émancipé sur l’activité institutionnalisée de l’homme mène à la non-intégration d’une partie des surréalistes de Bruxelles dans le mouvement de la Résistance, et, après la libération, à la désapprobation d’Aragon et de ceux qui s’étaient engagés dans la reconstruction de l’Europe détruite. Dans l’opinion des média belges, même de ceux très libéraux et tolérants, cette attitude antisociale extrémiste des surréalistes des années 1940-1950 est condamnable. Les coryphées du mouvement avaient vieilli, et leur absentéisme politique du temps de l’Occupation les avait compromis aux yeux des contemporains. Ce qui avait été captivant chez les démolisseurs de vingt ans d’après la première guerre mondiale était devenu une manière bizarre chez les écrivains qui avaient dépassé la cinquantaine et qui avaient supporté, dans un certain confort, la seconde guerre mondiale.

Épuisé dans les années 1960, sans proposer rien de nouveau, le surréalisme perd de son agressivité, mais ne disparaît pas pour autant sans laisser de traces. Sa dégradation ou, plutôt, sa transformation dans le sens de l’humour noir et grotesque est un processus lent, avec certains moments brillants. En opposition avec le groupe de Breton, dispersé assez vite, les surréalistes belges, malgré leurs fréquentes disputes, résistent ensemble, publient en collaboration dans diverses revues périodiques, et, autour des fondateurs longévifs du mouvement, apparaissent de nouveaux jeunes talents. Chavée, par exemple, constitue une autorité, jusqu’à sa disparition en 1969.

La Belgique et surtout Bruxelles ne cessent d’être l’endroit de diverses initiatives éditoriales artistiques et intellectuelles provocatrices. Les revues La Carte d’Après Nature (1952-1956), Les Lèvres Nues (1954-1960 et 1969-1975) et d’autres éphémérides réunissent des créateurs inquiets, et la présence, parmi eux, de Nougé (jusqu’à sa mort, en 1967), de Lecomte (jusqu’à sa mort, en 1966), de Scutenaire (jusqu’à sa mort, en 1987), de Mesens (jusqu’à sa mort, en 1971) et d’autres vétérans garantit la continuité du mouvement. Ces revues publient des textes inconnus des surréalistes belges – les Français sont mal vus, et Breton tout simplement ignoré – et jouent de mauvais tours aux lecteurs. Par exemple, le numéro 8 des Lèvres Nues annonce dans sa table des matières des textes de grandes personnalités : le maréchal Juin, Aragon, François Mauriac, Le Corbusier, Gilbert Bécaud, mais publie en échange une carte de la France refaite subversivement et les « œuvres » des lettristes, c’est-à-dire des partisans extrémistes de la révolution dans le langage, qui composaient des « mots » abscons à partir d’une série de lettres arrangées à volonté et, dans le meilleur des cas, fabriquaient des calligrammes et des collages.

L’animateur de la revue Les Lèvres nues et de la série éditée sous le même titre est Marcel Mariën, auteur, entre autres, des textes Le Marquis de Sade raconté aux enfants (1955), Le Sage furieux (1973) et des recueils ironiques et spirituels Figures de poupe (1979) et Les Fantômes du château de cartes (1981). Sous le patronage du groupe Les Lèvres nues paraissent deux livres de Nougé, Histoires de

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ne pas rire (1956) et L’Expérience continue (1966), contenant des pastiches dispersés dans les revues, les manifestes et les feuilles volantes de la période du surréalisme militant.

L’élément durable de la deuxième phase, de l’après-guerre, du surréalisme, c’est l’hostilité vis-à-vis de toute autorité. Les épigones du surréalisme se caractérisent par leur anti-religiosité, poussée parfois jusqu’à la blasphémie (Scutenaire), leur anti-militarisme, à la mode dans les cercles intellectuels pendant la période du colonialisme agonisant et des guerres d’Indochine et d’Algérie, leur opposition à la littérature reconnue et consacrée par des prix, un certain gauchisme politique, tempéré par la tendance compromettante de la gauche au totalitarisme.

Nouveaux sont, en échange, le développement des traits ludiques et, surtout, la vague montante des actions ayant comme but la délivrance de la langue des slogans, stéréotypes, règles, habitudes et contraintes.

Le surréalisme se prolonge sous diverses formes, par exemple dans le groupe Cobra (1948- 1951), dont nous ne nous occuperons pas ici, mais qui mériterait une étude à part.

Si les opinions sont positives sur le surréalisme belge en peinture (surtout sur René Magritte), elles sont plutôt mitigées sur le surréalisme belge en littérature. Voici, pour conclure, la diatribe d’Albert Ayguesparse6 de 1932 :

Le surréalisme, c’est une coterie, un manifeste, un scandale. Comme une église ou une société secrète, le surréalisme a son idiome, ses prêtres et ses exégètes. Sa substance idéologique est subtile. Elle est dissimulée dans une suite de brochures et d’essais confidentiels qui marquent les étapes, les métamorphoses, les schismes de ce mouvement.

Écrits agressifs, petits factums, lettres ouvertes, toute la grandeur et toute la faiblesse de la littérature. Pour ces côtés, les surréalistes sont bien les héritiers authentiques de la littérature bourgeoise. […] Toute la tragédie des surréalistes, c’est la tragédie d’une poignée de littérateurs petits-bourgeois qui s’efforce de s’intégrer au mouvement révolutionnaire, sans renier l’héritage de la culture bourgeoise finissante. Leur surréalisme, c’est leur raison d’être.

Leur seule richesse. C’est autour de lui que se font et se défont leurs amitiés. […] Mais cette antinomie fondamentale entre la chose politique et la chose littéraire, ils ne l’ont pas surmontée jusqu’ici. Ils entendent rester surréalistes et devenir communistes et rendre par là leur activité militante justiciable du surréalisme, introduire ce résidu de la culture bourgeoise dans le plan social pour qu’il y prospère et infecte idées et individus. C’est cette inconséquence qui explique l’absurdité de leur protestation à propos de l’inculpation du poème d’Aragon. Où qu’ils soient, et en toutes choses, ils ramènent les faits et gens au plan littéraire. Avec eux nous sommes toujours en pleine littérature et nous ne sommes que là. En 1932 comme en 1919. Cette antinomie, ils ne la surmonteront qu’en se détruisant, s’ils se détruisent jamais. (5-7)

BIBLIOGRAPHIE :

AYGUESPARSE, Albert (1932). Misère du surréalisme. Prospections, no 1, mai.

BUSSY, Christian (1972). Anthologie du surréalisme en Belgique. Paris : Gallimard.

CLÉBERT, Jean-Paul (1996). Dictionnaire du surréalisme. Paris : Seuil.

6 Albert Ayguesparse (1900-1996) est un écrivain belge, fondateur de la revue Marginales (1945), détenteur de nombreux prix et récompenses, et membre de l’Académie royale de langue et de littérature françaises de Belgique (1962).

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MARIËN, Marcel (1979). L’Activité surréaliste en Belgique (1924-1950). Bruxelles : Lebeer- Hossmann.

NADEAU, Maurice (1967). Histoire du surréalisme. Paris : Seuil.

Œsophage (1925), no 1 (unique), mars.

VILAR, Pierre (2005). Hommage aux incompatibles. Europe, Les surréalistes belges, 83e année, no 912, avril.

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DOI:10.47743/aic-2019-2-0002

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En 1993, un hasta aquel entonces casi desconocido periodista chileno publica en España, para un sello importante como Tusquets, una novela breve, empapada en humores ecológicos y etnográficos, que cuenta como uno de los últimos grandes ‘best-sellers periféricos’ (por lo menos por lo que a Latinoamérica se refiere): Un viejo que leía novelas de amor de Luis Sepúlveda – traducida a sesenta idiomas, con más de 18 millones de ejemplares vendidos– se convierte inmediatamente en un caso editorial sin precedentes, sobre todo para una obra que uno de los escasos comentaristas académicos que de ella se han ocupado –nada casualmente, me parece, cruzando lo literario con lo pedagógico y lo antropológico– considera cercana a la oralitura y el etnotexto (Malaver Rodríguez, 2001), aparentemente escrita desde un paradigma otro, con el intento de defender la des-homogeneidad amenazada del contexto selvático.

En realidad, sí se podría invocar un precedente bastante directo, en cuya estela el relato ejemplarmente exótico de Sepúlveda, más o menos conscientemente, se pondría: me refiero al clásico de los clásicos de la modernidad narrativa hispanoamericana, Cien años de soledad de Gabriel García Márquez, el verdadero eje de un canon que, justo a su alrededor, hacia mediados de los años Sesenta del siglo pasado, empieza a ponerse en marcha según los patrones indicados por los postcolonial studies.

Válgame entonces el ejemplo, pero eso sí, guardando las debidas proporciones.

No se me escapa, en efecto, la sospecha de lo para-literario, el riesgo de la simplificación que supone el hecho de trabajar con un texto que parece estar pensado más para la divulgación y desde lo político –como un panfleto, a la vez ecologista e indigenista– que desde una poética o un estilo propios. Para más señas, la novela en cuestión se expresa, tanto por lo que se refiere a la lengua utilizada como a las formas de la narración, mediante el argot universal, transfronterizo y últimamente homogéneo del ‘género’ de los superventas que, hecho totalmente paradójico en el caso de un escritor que aspira a hacerse vocero de ciertas marginalidades supervivientes, según estudiosos como Ercolino (2015) y Calabrese (2015), tiende al maximalismo y a la globalidad, escondiendo lo más propiamente local e intentando hablar desde el intersticio de la transacción (económicamente) necesaria entre diferentes sistemas y tradiciones.

Sin embargo, podría resultar provechoso leer a Sepúlveda precisamente desde la herida abierta por sus ambigüedades, hilos colgantes y tensiones irresueltas: lo que me propongo hacer aquí, de hecho, es estudiar la novela en cuanto fenómeno sociocultural, insertándola en una línea de continuidad explícita –que en algunos casos llega a rozar el plagio– con respecto a la gran tradición narrativa hispanoamericana del siglo XX, dando así cuenta de una operación, quizás, escasamente original o poco ‘autoral’, pero, como veremos, para nada descontada y, en todo caso, sumamente estratégica considerando el contexto en el que se produce. Como veremos, el punto de contacto más evidente tanto de esta opera prima como de las sucesivas entradas de la ingente bibliografía de este exiliado chileno con el legado literario más característico de todo un Continente–allí donde Sepúlveda reanuda unas prácticas y visiones por lo menos parcialmente truncadas, volviendo a sacarle brillo a ciertos trucos y artimañas que, después del uso masivo y del abuso consumista, parecían exhaustos (como si de juguetes inéditos se tratara, listos para embaucar a una nueva generación de compradores olvidadizos)1–, es la problematización –típicamente latinoamericana, incluso ‘latinoamericanista’– de los códigos

1 Véase al respecto el brillante artículo de Eduardo Becerra (2008), cuyo título –que habrá que leer dirigido al modo mágico-realista prevalente en muchos clásicos de l’âge d’or de las letras del Subcontinente– es de por sí todo un programa: “¿Qué hacemos con el abuelo?”.

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que establecen las fronteras entre los tres mundos posibles, y sólo aparentemente inamovibles, de ‘natura’, ‘cultura’ y ‘maravilla’.

El título de mi artículo pretende señalarlo, hasta con cierta malicia.

En Un viejo que leía novelas de amor de Sepúlveda cuesta escuchar una voz, y más bien resuenan, sintonizados en una frecuencia pensada para ser captada por un público masivo, los ecos de muchas voces: las de los paladines del panteón literario hispanoamericano, de Alejo Carpentier al Vargas Llosa de La casa verde, pasando por el Gabo y remontándose hasta las tradiciones temprano-novecentistas de la novela de la selva y el indigenismo literario; en otras palabras, las estaciones más notorias del vía crucis de un discurso cultural que pugna por reconocerse propiamente americano alrededor de algunos temas y, sobre todo, lugares tópicos. Es con esos ingredientes que Sepúlveda enciende los fuegos de su sabrosa cocina narrativa, amalgamándolos todos en un amasijo, otra vez, bastante homogéneo y oportunamente aderezado–no falto de cierta visionaria eficacia y brillo narrativo–, además de fácilmente digerible, totalmente apto para los delicados estómagos de los ‘turistas de la otredad’2.

Evocando, como en una ideal sesión de espiritismo, los fantasmas textuales más reconocibles de la que definiré la gran literatura de la diferencia, Sepúlveda consigue que vuelvan a brillar las grandes imágenes de referencia del repertorio latinoamericano, las que nacieron para servir de ideal soporte al que constituye el macro-tema de la(s) literatura(s) postcolonial(es) –el de la búsqueda (o construcción) de una identidad propia–, imágenes, entonces, indefectiblemente locales, concebidas como sanación posible de la herida impuesta por la Conquista, que empiezan a circular, con sordina, desde la propia Colonia, para luego ir perfeccionándose durante la época de la Independencia política, y literalmente culminar, hacia mediados del siglo pasado, en un verdadero boom editorial, el ‘fenómeno’ por antonomasia de las literaturas hispanoamericanas: me refiero a esa aventajada promoción de escritores que se fue convirtiendo –como veremos, algo problemáticamente– en un sello de reconocimiento, dándole un rostro familiar, para el lector occidental, a una América de las letras hasta aquel entonces totalmente desconocida, y transformando, de hecho, Macondo –el pueblo imaginario perdido en la lejanía de la selva tropical, fuera de la Historia y, en cambio, hundido hasta la médula en las sabidurías mágicas y ancestrales de los pueblos indígenas (léase también: el pueblo inventado por García Márquez para ser metáfora o metonimia de un único, inmenso Continente solitario3)– en un verdadero brand, y con él, Cien años de soledad en un improbable clásico de aeropuerto.

Como decía, la primera novela de Sepúlveda supone un restablecimiento de esa línea, que es, de hecho, por aquel entonces, una línea sino del todo truncada, por lo menos una que ha ido deshilachándose más y más: mediante su llegada en el mercado editorial internacional, el escritor chileno está defendiendo la naturaleza política de esas imágenes de referencia; es decir, desde lo literario, se vuelve a apostar por un proyecto Latinoamérica idealista y revolucionario que, también por el efecto-rebote provocado por este ‘clásico’ de la edad del bronce, por este manual latinoamericanista para principiantes, se recoloca estratégicamente como propuesta viable en beneficio de una época de globalizaciones desenfrenadas y devoradoras.

2 Definiría el modo de trabajar de Sepúlveda típicamente postmodernista (muy a pesar suyo, me temo): de hecho, tomo prestada la imagen de la cocina, del sampling de ingredientes culturales diferentes –remezclados de la forma más higiénica posible para los entusiastas más delicados de la fusión– del libro en el que Remo Ceserani (1997) trata de dar cuenta, justamente, de los rasgos más característicos de la experiencia estética de la postmodernidad.

3 Véase al respecto Oviedo (1969).

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Reformulando, por entre las líneas de esta novelita global, se asoma una idea de América, una que tiene que ver con una opción cultural resistente y des-homogénea encarnada y localizada en el Nuevo Mundo, según una visión, de hecho, nada nueva sino muy coherente con las que serían las pautas tradicionales de la representación literaria de la autoctonía americana, pero que, en realidad, cuando Un viejo que leía novelas de amor empieza a circular, ya se había vuelto bastante minoritaria.

Trataré entonces de hacer dos cosas: por un lado, demostrar la deuda de Sepúlveda para con esa tradición que, de cauce mayoritario de las letras locales, se ha ido convirtiendo en un objeto caduco, quedando marginalizada por un afán parricida y un deseo de des- provincialización que han provocado la dispersión de las marcas de la especificidad cultural en la altamar de la literatura global (Montoya Juárez & Estéban, 2008; Volpi, 2009; Aínsa, 2012) y por otro, propondré una reflexión acerca de la oportunidad –o, mejor dicho, la urgencia– de un gesto, estética y culturalmente, tan demodé.

Novela y territorio: de la cartografía de la diferencia al mapamundi de la uniformidad

En diálogo con la proliferante bibliografía crítica que ha tratado de mapear el fenómeno4, diré que los rasgos más destacados –y también los principales ingredientes del éxito–de la generación del boom podrían reducirse a dos: 1) en una época caracterizada, por lo menos de este lado del mundo, por un generalizado cansancio de la narración, esos novelistas apostaron por el puro gusto de la fabulación, la vuelta al placer del relato, contaminando, además, la tradición novelesca occidental mediante el recurso al mito, al folclor, a la oralidad de los cuentacuentos indígenas… y, de hecho, embistiendo al lector occidental, cansado de cerebralismos formales y experimentaciones con la textualidad que se enrosca, la palabra que abdica al intento de aprehender la cosa, con una formidable explosión pirotécnica de sabiduría narrativa, convocándole a sentarse idealmente alrededor del fuego de una sociabilidad comunitaria del todo perdida; 2) además –como decíamos antes–, en todas esas novelas, asistimos a una concentración altísima de tipos humanos, situaciones y, crucialmente, paisajes indefectiblemente locales, característicos del que, desde dentro de ese paradigma en construcción, Alejo Carpentier llamaba El reino de este mundo. En otras palabras, estas narraciones manifiestan una pronunciadísima tendencia cartográfica, pugnan por hacerse mapas de una experiencia irrepetible arraigada en el territorio, luchan por reconquistar, a golpes de imaginación, una geografía enajenada, marcando así las pautas de un gusto que, desde otro punto de vista, se presta también a satisfacer los apetitos orientalistas5 del consumidor occidental, interceptando una demanda del mercado: proponiéndose narrar un continente, las novelas del boom, en cierto sentido, si las miramos desde la sociología de la lectura, funcionan también como libros de viaje (o ‘guías turísticas’).

En la novela de Sepúlveda encontramos ambos aspectos.

Ante todo, el pueblo imaginario que –por cierto, bastante ambiguamente– lleva el nombre de “El Idilio” restablece la tradición de las ciudades identitarias, los territorios inventados (muy señaladamente) por los escritores del boom para concentrar los rasgos definitorios del hombre americano, que ha heredado de la Colonia una angustiosa crisis de presencia. La reivindicación

4 Además del estudio ‘desde dentro’ de Carlos Fuentes (1969), véase al respecto, entre otros, Aínsa (1986), Campra (1998) y Ortega (1998). También puede interesar el breve artículo de Tatiana Bensa (2005).

5 Ni hace falta mencionar el fundamental ensayo de Edward Said (2003).

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de una identidad propia, como señala entre otros Rössner (1997), pasa, en muchos casos, por la ensoñación palingenética y el viaje a la semilla, por la voluntad de refundar la inocencia natural perdida con la llegada de la Historia y el descubrimiento. Realmente, en este sentido, a raíz de la publicación de la obra maestra de Gabriel García Márquez, todos los latinoamericanos pasan a ser ciudadanos de Macondo (Vargas Llosa, 1971), es decir, se reconocen en un proyecto identitario primitivista, vinculado con la utopía regenerativa de los lugares, con el aislamiento encantado de una naturaleza “anterior al pecado original” (García Márquez, 1996: 94) y, obviamente, con la expulsión del Paraíso. Sin embargo, en consideración de la profunda mutación de la atmósfera cultural del fin del siglo, habrá que ver hasta qué punto el lector (hispanoamericano) de Sepúlveda, después de tanta agua pasada por ese “río de aguas diáfanas”

y “piedras pulidas” ahora más bien ‘turbio’, se sienta todavía representado por ese proyecto, si esté todavía disponible a dejarse llevar a habitar de vuelta en el medio de la selva ancestral. O si más bien, como dejarían entender los rumbos de la literatura más contemporánea, no haya decidido –de una vez– ser uno mismo con el mundo, vivir, más o menos integradamente, en la aldea global, pisando los restaurantes y cafeterías que esterilizan el panorama de las diferentes megalópolis latinas, disfrazadas ya de comunes sucursales del Imperio.

Además, igual de importante, la novela de Sepúlveda se abre con una dedicatoria al alcalde indígena de la localidad de Sumbi, “gran defensor de la Amazonía”, en última instancia, el verdadero responsable del relato que, “en una noche de narraciones desbordantes de magia”, como en una ceremonia de iniciación, le confía al autor “algunos detalles de su desconocido mundo verde, los que más tarde […] me servirían para construir esta historia” (Sepúlveda, 1993: 6). Aquí se vuelve hecho literal, hasta se banaliza por exceso de explicitación –poniendo en entredicho incluso la ‘autoría’ del texto–, la tendencia, típica de toda esa generación, a convertir el palimpsesto cosmogónico indígena en un caudal de fuentes profundas y ocultas.

Este tipo de literatura, como decíamos, llega, a principios de los Noventa, a un punto sin retorno. Por muchos lados, se empieza a señalar el riesgo del exotismo y del cliché (naturaleza virgen, folclor, animismo, prominencia del componente indígena…: un verdadero baratillo de gustosas ‘excentricidades’) y se pretende apagarle el aura a esta América recién nacida cual sujeto culturalmente emergente (Volpi, 2009), para intentar representarla, finalmente, como parte integral dentro de un contexto universal y que aspira, cada vez más, a uniformarse. La hispanoamericana de los Noventa –como ya no, en cambio, la de las últimas dos décadas– es literatura “sin fronteras” (Noguerol, 2008), que pretende confundir toda marca geográfica, quebrar el doble vínculo que, tradicionalmente, la tiene atada con los espacios periféricos de la naturaleza americana (y su insufrible mitología), romper la cáscara del huevo y salir corriendo de la soledad de Macondo para habitar la aldea global e inventar, así, otro espectáculo –otro simulacro–, igual y contrario, pero mucho más peligroso: la puesta en escena de un Subcontinente metropolitano, furiosamente urbanizado, según supone la llamada a las armas del ‘manifiesto’ McOndista6. Como saben los lectores del afortunado prólogo de la antología narrativa publicada en 1990 por los chilenos Alberto Fuguet y Sergio Gómez, sustituyendo “los árboles de la selva” con “rascacielos”, retorciendo el inexplicable eco sobrenatural del nombre de la ciudad de los Buendía para que intercepte el de los sellos multinacionales más cotizados – con la invención de un ‘Macondo Incorporated’–, se pretendía dar cuenta de la mera realidad de

6 Sobre el uso –más o menos instrumental– del elemento urbano en los relatos más notables de la antología, véase Fava (2012). Sobre la mistificación política –de cuño neoliberal– que estaría a la base de la construcción de la nueva ‘realidad’ latinoamericana defendida en el prólogo que los precede, cfr. Palaversich (2005).

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un territorio que, muy lejos de seguir siendo la tierra de conquista para cualquier aventura de la imaginación desaforada, la tierra de las mil y una utopías, finalmente, se habría convertido en un lugar más, donde, por ejemplo, “si la gente vuela es porque anda en avión o están muy drogados” (Fuguet & Gómez, 1996: 15). Citando al poeta chileno Oscar Hahn, los animadores del proyecto McOndo reducen el realismo mágico –una de las patentes más notorias del latinoamericanismo literario, la firma estilística del “arcángel San Gabriel”, el ídolo por derrocar– a un espectacular fraude, un caso flagrante de embaucamiento de incapaces, rebajando la significancia identitaria de sus ‘maravillas naturalizadas’ –esa reapropiación de las sabidurías prehispánicas sepultadas y, sin embargo, todavía al acecho en los espacios de la alteridad selvática– y tratando sus artimañas como charlatanerías de feria:

Cuando en 1492 Cristóbal Colón desembarcó en tierras de América fue recibido con gran alborozo y veneración por los isleños, que creyeron ver en él a un enviado celestial.

Realizados los ritos de posesión en nombre de Dios y de la corona española, procedió a congraciarse con los indígenas, repartiéndoles vidrios de colores para su solaz y deslumbramiento. Casi quinientos años después, los descendientes de esos remotos americanos decidieron retribuir la gentileza del Almirante y entregaron al público internacional otros vidrios de colores para su solaz y deslumbramiento: el realismo mágico.

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No hay que olvidar entonces que es con este telón de fondo que Sepúlveda nos vuelve a hundir en la región salvaje, en territorio indígena, en el corazón de la Amazonía, volviendo a encontrar, para decirlo de alguna manera, el camino de vuelta a Macondo desandando los pasos perdidos y, así, volviendo también a abrir la herida de un enfrentamiento cultural –el del centro y la periferia– que, por ese entonces, se estaba pretendiendo cerrar de manera precipitada y arbitraria.

De hecho, como iremos viendo, la selva sepulvediana, poblándose de infinitos ecos y resonancias hondamente vinculados con la compleja elaboración del trauma colonial – incluyendo también los de la desmaterialización y el desencantamiento–, es todo menos un espacio diputado a replicar el engaño de lo ‘natural’ y se convierte más bien en un crucial laboratorio de experimentación identitaria, una frontera móvil alrededor de la que cultura y natura vuelven a negociar –reconsideran de modo incesante y sintomáticamente posibilista en estas periferias remotas de la episteme occidental– sus respectivos ámbitos de competencia, aprovechando todas las posibilidades de una productiva y sintomática inestabilidad de lo ‘real’.

En efecto, la novela de Sepúlveda nos invita a activar un sistema de identificaciones y correspondencias bastante esquemático para luego matizarlo más y más hasta llegar a invertirlo, llevando al descubierto la convención a partir de la que ordenamos definiciones y aplicamos rótulos categóricos. Un ejemplo: si esta es una novela de la frontera (y la selva es el espacio fronterizo donde llegan –y se pierden– aventureros y colonos), la función del héroe tendría que coincidir con la domesticación del medio hostil, dibujado como una alteridad absoluta y destructora, irreductible para el intelecto humano e insensible a sus razones. Pero en realidad, dándole la vuelta a la perspectiva antropocéntrica mediante un ejercicio de inmersión en el pensamiento salvaje propiciado por el vistoso proceso de humanización de la bestia, Sepúlveda deslegitima la lectura paradigmática del paisaje. Por otro lado, ni siquiera el otro polo, el de la civilización, vaciándose de todo heroísmo y quedando asociado con rasgos, o bien violentos, o ridículos, sabe contestar oportunamente a los estímulos del código. De hecho, ninguno de los

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dos representantes de los dos órdenes simbólicos llamados a enfrentarse de acuerdo con las dinámicas de la trama –el hombre y el animal, el cazador y su presa, el viejo y el tigrillo– logra aprehenderse en categorías claras: ambas son criaturas inciertas, hechas para habitar un espacio intersticial, pensadas para confundir los estereotipos representativos y, finalmente, llegar a encontrarse a medio camino, en un diálogo mortalmente cómplice, justo en el borde de una frontera simbólica todavía por trazar. La pregunta fundamental del texto –lo repito: un punto no exactamente por estrenar, pero que el escritor chileno resitúa amenamente en la que había sido una zona caliente para esta clase de reflexiones y que, en cambio, por motivos poéticos o políticos, la literatura contemporánea se estaba ocupando de ‘desembrujar’– es más o menos la siguiente: ¿qué es ‘cultura’ y qué significa ‘natura’?, o mejor, ¿cómo se manejan estos dos polos –qué sentido tiene el viejo cuento de civilización y barbarie– en tierras donde una cultura única, ante la incapacidad de relativizar su propio paradigma generador, ha acabado con todo un ecosistema de culturas ajenas No cabe la ingenuidad en las definiciones y menos aún en lugares donde histórica y antropológicamente se han encontrado y han chocado maneras diferentes de entender la relación entre el hombre y la naturaleza7, y donde la sustancia ambiguamente

‘natural’ de los lugares y de quienes los habitaban proporcionó la coartada ideal para la aculturación forzada y la domesticación del salvaje (Todorov, 2013; Gruzinsky, 1991). En la redefinición del espacio desde donde se traza la línea que separa cultura y natura (norma y excepción, normalidad y aberración…), sobre el cuestionamiento del punto de vista y la necesidad de hacer visible el lugar de la enunciación a partir del que se dictaminan palabras absolutas que suenan a condenas, ‘inventan’ al subalterno y justifican actos de poder, se juegan, tradicionalmente, todas las grandes batallas de la literatura hispanoamericana que, desde sus raíces, se vincula con la búsqueda de una forma ‘propia’ de habitar la modernidad, una que aproveche y explote todo el potencial de resistencias(s) implícito en su condición periférica.

Antes de volver a la novela, por tratarse del elemento fundamental de la propuesta tanto narrativa como política de Sepúlveda, me parece importante ir trazando una breve historia portátil de la representación del elemento selvático en las literaturas hispanoamericanas.

Adentrémonos, pues, por una paradójica galería de selvas de papel8.

Trampantojos ‘naturales’: historia portátil de la representación de lo barbárico latinoamericano

Como decíamos, mimetizados detrás de los miles de rostros cambiantes que componen su muralla verde, realmente al acecho en la selva sepulvediana, junto con el tigrillo desesperado, están las piezas de todo un discurso cultural de la alteridad. El que, de la Colonia en adelante, busca afanosamente alcanzar el beneficio de una mirada autóctona hurgando en los vacíos del discurso oficial, en las soledades del lenguaje, en los puntos ciegos de la contraposición estructuralmente violenta que vertebra –y malogra– el diálogo entre la madre patria y las colonias: citando a José Martí, el gran poeta patriarca de la Independencia cubana, experiencia natural vs libro importado. Merece la pena, sin embargo, introducir un tercer elemento, uno que, por otro lado, circula por el eje de la oposición martiniana como un vicio inherente: el de una naturaleza que, paradójicamente, restituye al ojo del europeo una fuerte impresión ‘no natural’

7No me parece, de hecho, casual que la literatura hispanoamericana ‘clásica’ se esté convirtiendo actualmente en una verdadera mina por explorar para la ecocrítica.

8 Una buena guía para emprender el viaje es, sin dudas, León de Hazera (1971).

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(o sobrenatural), una naturaleza que también tensa otra clasificación, la que encasilla en dos contenedores separados, en este caso, la realidad y la maravilla.

Como se sabe, en los diarios de navegación de Colón y, en general, en las relaciones de viaje y crónicas copiosamente redactadas por los exploradores occidentales, el Nuevo Mundo recién estrenado y, más en concreto, su naturaleza virgen –de la que los nativos no representan más que una entre las muchas asombrosas manifestaciones– aparecen como objetos literalmente increíbles, ‘fenómenos’ a los que no se hace ningún esfuerzo por aproximarse con la oportuna exactitud científica o mediante una real tensión cognoscitiva, sino más bien, según un mecanismo en el que el rechazo y el apetito explotador son apenas las dos caras de la misma moneda, se procede a convertir en repositorios vacíos a la vez de todos los deseos y los miedos de Occidente: el territorio americano es, entonces, un inverosímil paraíso en tierra listo para la depredación o un inaceptable, endiablado garabato, poblado por toda clase de monstruosidad.

En la Historia Verdadera de la Conquista de la Nueva España de Bernal Díaz del Castillo, la

“obscena promiscuidad” de la selva tropical, esa plétora insensata de inciertas formas vivas, frutos y animales como recién salidos de un bestiario medieval encarnado, salta literalmente afuera de la actividad del cronista y desborda las posibilidades expresivas del medio que utiliza, excede la jaula de la escritura-documento y rompe las pautas de la observación naturalista;

coherentemente con su estatuto de ‘cosa de maravilla’, queda más bien intuitivamente asociada con los encantamientos del mago Merlín y las brujerías que, en este lado del mundo, sólo podían circular por los libros de caballería. Será este “delirio áureo de nuestros fundadores” –el síntoma más vistoso de la incapacidad del europeo de relativizar culturalmente las fronteras de su propia (versión de la) realidad– el que, según diría García Márquez (2014: 167), inaugurará la novela hispanoamericana moderna.

Siguiendo con el repaso9, durante la Colonia se apostó por intentar encorsetar el mundo americano, su alteridad ‘natural’, importando e imponiendo modelos y pautas10 que, obviamente, por el hecho de idearse para representar realidades diferentes y lejanas, fracasan en su acción de definición y contención, se quedan cortos, dejan al descubierto imperfecciones, sobras, incontinencias, restos, señales de una enormidad insumisa que, de inmediato, el ojo occidental traduce en pruebas de incultura, sinónimos barbáricos. Un ejemplo: el poeta neoclásico venezolano Andrés Bello (1780-1865) intenta representar la selva americana ciñéndose a los esquemas pastoriles y bucólicos predicados por las academias y, sin embargo, pronto, el plan escritural se le va al traste, convirtiéndose en otra cosa, pues las melodiosas voces de sus pastores, con sus ridículas ‘armonías’, se vuelven literalmente inaudibles enfrentadas con el fragoroso estruendo proveniente de la vorágine vegetal. Provocando efectos tragicómicos y malentendidos casi siempre exhilarantes, la naturaleza americana se interpone a la correcta recepción del modelo, obstaculizando la aculturación. La fase siguiente representa la otra cara de la misma moneda: el debate ideológico que fomenta el proceso de emancipación política de las futuras excolonias invierte los términos de la cuestión sin desarmar el constructo,

9 En la breve panorámica que ocupa esta sección del artículo me dejaré guiar por las directrices del brillante ensayo de Rosalba Campra.

10 Según recuerda Albertazzi (2013), de las tres fases que, antropológicamente, darían cuenta del contacto violento entre culturas –según un modelo jerarquizado e impar como el que se produce en los procesos de colonización–, la que acabo de describir correspondería al momento de la copia, al que seguirían el del rechazo del modelo importado y, finalmente, el de la canibalización –llamémosla también transculturación, según la propuesta terminológica de Fernando Ortiz–, eso es: la ‘ingestión’

del modelo en función de su digestión transgresiva y re-formuladora.

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