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„ALEXANDRU IOAN CUZA” IAȘI l ISSUE 2(2021)

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l NEXT ISSUE:

MONSTERS IN LITERATURE

l EDITURA UNIVERSITĂȚII

„ALEXANDRU IOAN CUZA” IAȘI l ISSUE 2(2021)

LLIITTEER RA ATTU UR REE & &

P

PO OP P CCU ULLTTU UR REE

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Acta Iassyensia Comparationis

LITERATURA ŞI CULTURA POP LITERATURE AND POP CULTURE LA LITTÉRATURE ET LA CULTURE POP

28 (2/2021) http://literaturacomparata.ro/Site_Acta/index.html

Numărul 28 al AIC este dedicat fenomenului “culturii pop”, un fenomen poliform şi provocator deopotrivă. De aceea, abordările din diverse perspective a ceea ce în mod convenţional este cunoscută drept “cultură pop”, cu referire la forme, raporturi şi ocurenţe ale unor discursuri care transcend opoziţia elite versusmase, reprezintă unica posibilitate de a evidenţia specificul şi importanţa acesteia.

Autorii textelor publicate în numărul curent au în vedere legăturile posibile dintre “liter- aturile minore” şi cultura pop, dintre joc virtual şi ficţiune, dintre traducere şi hypermedia, dintre poezie şi muzica rock sau heavy-metal. De asemenea, deosebit de captivante sunt studiile de caz interesate de dimensiunile psihosociale ale interpretării lui Don Quijoteîn contextul musi- cal-ului Man of La Mancha, de reprezentările femeii în filme produse de Netflix (El Chapoşi Narcos) sau de puterea exercitată de muzica populară în raport cu autoritarismul. Acest număr ilustrează aşadar un spectru larg de posibilităţi şi metode, sub semnul pluralităţii şi interdisciplinarităţii.

*

The 28thissue of AIC is dedicated to pop culture, an equally multifaceted and challenging phenomenon. Therefore, the only way to highlight its specificity and importance is a plurality of approaches from various perspectives to what is known as pop culture, with reference to forms, relationships and occurrences of discourses that transcend the opposition between

“elite culture” and “mass culture”.

The authors of the texts published in our current issue consider the possible links be- tween “minor literatures”, between virtual game and fiction, between translation and hyper- media, between poetry and rock or heavy-metal. In addition, particularly captivating are the case studies focused on the psychosocial dimensions of the interpretation of the novel Don Quijotein the context of the Man of La Mancha movie, on the representations of women in Netflix productions like El Chapoand Narcos, or on the power of the popular music in relation with authoritarianism. For that reason, this issue of AIC illustrates a wide range of possibilities and methods, under the sign of plurality and interdisciplinarity.

*

Le 28enuméro de AIC est consacré à la culture pop, un phénomène à la fois incitant et multiforme. Dès lors, pour en souligner l’importance en même temps que la spécificité, il faut s’ouvrir vers une pluralité des avis. Formulés à partir de diverses perspectives sur ce que l’on appelle la culture pop, ceux-ci se rapportent à des formes, des relations et des occurrences de discours qui transcendent l’opposition entre « culture d’élite » et « culture de masse ».

Les auteurs des textes publiés dans le présent numéro de la revue s’interrogent sur les liens possibles entre les « littératures mineures », entre le jeu virtuel et la fiction, entre la tra- duction et l’hypermédia, entre la poésie et le rock ou le heavy metal. De plus, particulièrement captivantes sont les études de cas axées sur les dimensions psychosociales de l’interprétation du roman Don Quichottedans le contexte du film L’Homme de La Mancha, sur les représentations des femmes dans les productions Netflix comme El Chapoet Narcos, ou sur le pouvoir de la musique populaire par rapport à l’autoritarisme. En somme, le nouveau numéro de AIC il- lustre un large éventail de sujets et de méthodes, sous le signe de la pluralité et de l’inter - disciplinarité.

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Cuprins/Con te nts/Con tenu

LAURENT BALAGUÉ

« Littérature mineure » et culture pop : les liens possibles

1

LAURA CIOCHINĂ-CARASEVICI

Dimensiones psicosociales de la interpretación de la novela Don Quijote de la Mancha a la luz de la canción popular The Impossible Dreamdel musical Man of La Mancha

13

LUISA MESSINA Les cafés

21

JORGE LÓPEZ LÓPEZ

Acne Mags: Identifying the Time Setting in Clive James’

Novels through Bric-a-Brac Facts

31

ANDREI VICTOR COJOCARU

A New Way to (Mis)Understand the Power of Fantasy in Mark Lawrence’s The Broken EmpireTrilogy

39

KATHRIN NEIS

‘The (Meta-)Game is On’.

Metafiction in SHERLOCK

49

MARÍA INÉS ARRIZABALAGA

Fluidization of Knowledge, Hypermedia Translation and Defiction Combine for a Fictional World of the MacLachlan Clan?

61

NICOLAE BOBARU De la mica sirenă la Ariel

71

DRAGOŞ CARASEVICI

Mr. Yeats sings the blues. O discuţie a albumuluiAn Appointment with Mr. Yeats (The Waterboys) din perspectiva teoriei receptării

79

TIJANA CUPIC

The Perfect Miss Narco: On Hateful Representation of Women in Netflix TV Shows El Chapo and Narcos: Mexico

85

ELISABETH SCHULZ Le shtetlde Sholem Aleichem : du roman yiddish au film américain

105 CĂTĂLIN CONSTANTINESCU

Adaptation and Transposition in Ulver’s Themes from William Blake’s Marriage of Heaven and Hell

95

KHATIJA KHAN

Censorship and the Cultural Ambiguities of Singing against Authoritarianism in Zimbabwe: The Case of Winky D’s Popular Music

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Acta Iassyensia

Comparationis

28 (2/2021)

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« Littérature mineure » et

culture pop : les liens possibles

LAURENT BALAGUÉ Université Paris-Est [email protected]

The purpose of this article is to analyse the way literature and pop culture are articulated, since by literatureis usually meant some- thing “classical” and by pop culturesomething which is not initially recognized as such. It is a problem of recognition, but also a prob- lem of finding out what it means for a “pop culture” with rather indefinite contours to be connected to literature.

We think it is possible to study this issue by appealing to the texts that Gilles Deleuze devotes to literature and especially to his view on a so-called “minor” literature. The purpose of this article is to identify how the concept of “minor literature” can help to explain the relationship between pop culture and literature. This involves clearing up what pop culture actually is, in its connections to the bohemia, to consumer society, and above all, to “minor literature”.

Le but de cet article est de voir comment peuvent s’articuler culture pop et littérature étant donné qu’on entend d’ordinaire par littératurequelque chose de « classique » et par culture popquelque chose qui initialement n’est pas reconnu comme tel. Problème de reconnaissance de ce fait, mais aussi problème de savoir ce que signifie pour une « culture pop » aux contours semble-t-il assez in- définis le fait d’avoir des liens avec la littérature.

Il nous a semblé possible d’étudier cette question dans une lec- ture des textes que Gilles Deleuze consacre à la littérature et aux idées qu’il avance sur une littérature dite « mineure ». L’objet de cet article est de cerner comment le concept de « littérature mineure » peut éclairer les rapports entre la culture pop et la lit- térature. Ceci passe par une mise au point de ce qu’on peut enten- dre par culture pop dans ses liens avec les idées de bohème, de société de consommation, mais avant tout à partir des lignes de fuite installées par une « littérature mineure ».

1

Minor Literature and Pop Culture:

Possible Connections

Mots­clés

classique ; littéra- ture mineure ; bohème ; société de consommation ; esprit critique.

Keywords

classical; minor literature;

bohemian;

consumer society;

critical mind.

nr. 28AIC 2/2021

©2021 AIC DOI: 10.47743/aic-2021-2-0001

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LAURENT BALAGUÉ

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Difficile de dire ce qu’est la littérature sauf à dire qu’est littéraire ce qui est reconnu comme tel. Littéraire semble vouloir dire fictif, avec tout ce que le mot comporte d’ambiguïté : ni complètement faux, ni complètement vrai non plus. La littérature est un usage du langage, usage bien souvent écrit (même si on peut discuter ce point avec la poésie et avec le théâtre) où la question de l’existence au/du monde semble suspendue. D’où une certaine ambiguïté. D’où un usage retors du langage qui ne le lie qu’indirectement à la question de la vérité entendue au sens factuel. Quelle que soit sa forme, la littérature appartient à la culture entendue comme un approfondissement de ce qui est donné initialement par une nature. La littérature est avant tout un langage cultivé et éloigné en ce sens du langage « primitif ».

Cet éloignement pose des problèmes quand on veut rapprocher la littérature d’une

« culture pop ». Cette dernière expression peut paraître antithétique dans la mesure où le domaine « pop » semble se rattacher à une simple consommation et à donc à quelque chose d’immédiat, alors que la culture est par essence médiation, rupture avec le donné, éventuellement instauration d’un nouveau donné. Si on suit ces considérations, la culture pop semble l’inverse même de la littérature. Mais les choses ne sont peut-être pas si simples. En premier lieu, parce qu’il n’est pas aisé de dire ce qu’est une « culture pop ».

Il s’agirait peut-être d’une culture qui serait « en situation » comme dirait Jean-Paul Sartre, c’est-à-dire inscrite dans un monde historiquement situé, auquel cette liberté du langage que serait la littérature aurait à interagir. Dans son Qu’est-ce que la littérature ?, publié en 1948, Sartre ne parle pas d’une culture pop. La situation de l’écrivain en 1947 ne permettait pas d’envisager un tel concept.

S’agit-il d’un concept d’ailleurs ? On peut en douter tant la « culture pop » semble n’être qu’un terme vague. Par ailleurs, elle semble s’opposer dans ses liens à la littérature, à ce que la littérature expose de « classique ». Et le fait est qu’il est assez difficile de trouver des philosophes, intellectuels ou écrivains universitaires prêts à reconnaître une valeur à une culture pop. Mais difficulté ne signifie pas impossibilité et le fait est qu’on trouve chez le philosophe Gilles Deleuze quelque chose qui s’appelle une « pop philosophie ».

Nous proposons dans ce qui suit d’interroger les relations entre la littérature et la « culture pop » dans cet éclairage de la « pop philosophie » telle que la décrit Deleuze. Deleuze avait cette particularité de connaître et analyser les auteurs de la tradition classique (Hume, Spinoza, Kant, les stoïciens, pour donner quelques exemples) et à la fois de tout donner à chambouler. Il considérait peut-être que l’héritage qu’il recevait n’était précédé d’aucun testament et qu’il pouvait apporter quelques riches variations dans les interprétations des grands classiques de la philosophie et de la littérature. Il s’était ainsi attaché à la littérature nord-américaine avec Fitzgerald, à la littérature française avec Zola, Marcel Proust ou Michel Tournier, et avec Kafka, duquel il put sortir le concept de « littérature mineure », concept qui, comme nous le verrons, se rattache dans son esprit à une forme de « pop-philosophie ». Le problème que nous poserons sera de savoir en quoi la littérature mineure décrite par Deleuze, qui est en même temps une littérature assez classique (Kafka apparaît ainsi comme un auteur consacré par les universités et même l’école, dans son ensemble) appartient à une culture pop, c’est-à-dire à une culture qui apparaît comme n’appartenant au champ normal des institutions consacrées.

Pour décider de cela, nous verrons en premier lieu en quoi une « culture pop » peut se distinguer d’une culture « classique », non pas au sens simplement d’une opposition de anciens et des modernes, mais au sens où une culture de la consommation après 1945, c’est-à-dire la fin de la Deuxième Guerre mondiale, a pu à la fois bouleverser et traumatiser toute espèce de culture dite classique : la culture pop apparaissant comme la transmission d’un héritage sans

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AIC

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testament, on peut alors se demander s’il est encore juste de parler de culture à ce niveau et si la littérature peut s’inscrire sur cette échelle.

Ceci nous amènera à voir dans un deuxième lieu, ce qu’a pu être une tentative de réappropriation, plus ou moins réussie, de la culture classique par un mouvement se revendiquant « pop » par l’expérience qu’en a tenté Gilles Deleuze au travers d’auteurs comme Kafka, éventuellement Proust, Fitzgerald ou Zola, en donnant à cette culture pop des lettres de noblesse, toujours précaires cependant : le populaire étant de nature non-aristocrate.

I. Culture pop et culture classique : la question de la littérature

Il faut peut-être dire que tout cela repose sur une évaluation. S’il y a de la « culture pop » qui émerge probablement dans les années 1960, avec des œuvres musicales et groupes musicaux comme les Beatles, les Rolling Stones, les chanteurs yéyé en France, cela est probablement lié à une évolution des modes de production et de consommation. Que ce mouvement soit lié à la littérature, cela peut se comprendre à la marge. Dans I’m the Walrus les Beatles font référence à Edgar Allan Poe, auteur consacré de la littérature américaine, même si cette consécration n’aurait probablement été du goût de l’intéressé. De quoi s’agit-il ici ? D’un simple clin d’œil ou bien d’une tentative de réappropriation ?

La culture pop apparaît-elle comme une nouvelle bohème ? Le phénomène de la bohème, analysé entre autres par Walter Benjamin dans ses écrits sur Baudelaire ou par Pierre Bourdieu dans Les Règles de l’art, reste un mouvement social d’une importance certaine pour la vie artistique et littéraire du XIXe siècle français. Avec une idéalisation de la vie artistique découlant du romantisme, on voit déferler dans la capitale française une population nombreuse, miséreuse également, qui cherche à vivre de la littérature et à s’engager dans la société de cette façon. Bourdieu présente les choses de la sorte :

Le développement de la presse est un indice parmi d’autres d’une expansion sans précédent du marché des biens culturels, liée par une relation de causalité circulaire à l’afflux d’une causalité très importante de jeunes gens sans fortune issus des classes moyennes ou populaires de la capitale et surtout de la province qui viennent à Paris tenter des carrières d’écrivain ou d’artiste jusque-là plus étroitement réservées à la noblesse ou à la bourgeoisie parisienne. (Bourdieu, 1992 : 95)

Le phénomène de bohème est un phénomène de masse comme la culture pop en est un.

L’idéalisation outrancière de la période ou n’importe quel objet peut devenir objet de contemplation éternelle (« mon paletot aussi devenait idéal » écrira Rimbaud dans son poème Ma bohème justement) trouvera son écho chez Charles Aznavour et la chanson La bohème. Il va de soi que cette attitude entraîne une certaine lutte entre les autorités artistiques dominantes d’une époque et les nouveaux entrants. La vie de bohème apparaît comme un art de vivre contraire à la tradition classique. Il va de soi que les entités traditionnelles récupèrent ce qu’elles évaluent comme étant le meilleur et le consacrent avec le temps. Rimbaud et Verlaine sont ainsi consacrés par l’école et l’université au même titre que Jean de la Fontaine, René Descartes ou Goethe.

La « culture pop » telle qu’elle se développe dans les années 1960 apparaît comme une forme de vie de bohème par bien des aspects. Les revenus de ses principaux héros ne sont attachés qu’à la prise d’un marché parallèle au monde de la culture « classique » promue par l’école et cette culture est assez mal vue des entités culturelles en place : celle de l’école en

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LAURENT BALAGUÉ

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particulier, qui préfère naturellement un Victor Hugo à un Charles Aznavour ou un Bob Dylan.

Pourtant, avec le temps, la consécration arrive et Bob Dylan reçoit le prix Nobel de littérature en 2016, se trouvant inféodé au système classique de la même façon que Charles Baudelaire, pourtant condamné pour Les fleurs du mal est consacré par l’école républicaine. Derrière ce jeu de cache-cache on trouve une trame qui est celle de l’opposition entre ce qui est classique et ce qui ne l’est pas. Il nous faut donc ici déterminer ce qu’il faut entendre par « classique ». Ce mot peut être entendu à la fois comme le résultat d’un débat de société : est classique ce qui est consacré par les institutions. Mais il peut également avoir une tournure propre où l’on souhaite déterminer le concept en lui-même, c’est-à-dire de manière indépendante de son aspect sociologique.

Le concept de « classique » s’oppose en tout point à une culture « pop ». La culture « pop » est ainsi dévalorisée parce qu’elle semble faire appel à des structures irrationnelles qui trouvent leur source dans le fascisme. C’est ainsi que Horkheimer et Adorno la caractérise dans leur ouvrage La dialectique de la raison. Le développement de la culture suit le développement de l’industrie et de la société de consommation. Il produit de l’uniforme et de l’absence de style.

Le but recherché n’est absolument pas une quête de vérité. Il s’agit simplement de rentabilité : bref de gagner de l’argent. Ce diagnostic est fixé en 1944, soit quelque temps avant le développement d’une forme de « culture pop » au sens que cette expression peut prendre en occident. Cependant il énonce très bien ce qui se passe en Amérique (très peu touchée par la guerre sur son sol) qui avançait à marche forcée vers une société de consommation. La culture

« pop » est alors vue comme une culture qui a objectivement renoncé à produire quoi que ce soit de valable au niveau artistique et qui se contente de divertir les masses, c’est-à-dire de les flatter de la façon la plus démagogique que possible. Les effets des nouvelles technologies que sont le téléphone, la radio, le cinéma et la télévision sont clairs : il s’agit de laver les masses de tout esprit critique et de leur faire accepter leur destin. Une figure comme Donald Duck est convoquée : « Dans les dessins animés, Donald Duck reçoit sa ration de coups comme les malheureux dans la réalité, afin que les spectateurs s’habituent à ceux qu’ils reçoivent eux- mêmes » (Horkheimer ; Adorno, 1974 : 147). Pour Horkheimer et Adorno, la dimension fasciste de la culture de consommation ne fait aucun doute. Ils emploient le terme de culture

« populaire », mais c’est pour la rattacher directement à l’époque fasciste. Une telle culture populaire est contrôlée par le pouvoir (l’invention du Ministère de la Culture est une invention nazie) et se paie le luxe de pouvoir critiquer ce qui en constitue le sol. Le but atteint n’est certainement pas de développer l’esprit critique, mais plutôt de l’annihiler :

Contrairement à ce qui se passe dans l’ère libérale, la culture industrialisée peut se permettre – tout comme la culture populaire de l’ère fasciste – de s’indigner contre le capitalisme, mais elle ne peut rejeter la menace de castration fondamentale pour elle.

Cette menace survit au relâchement organisé des mœurs quand il s’agit d’hommes en uniforme dans les films gais produits pour eux. Elle survivra finalement dans la réalité. Ce qui compte aujourd’hui, ce n’est plus le puritanisme, bien qu’il s’impose toujours dans les organisations féminines, mais la nécessité inhérente au système de ne jamais lâcher le consommateur, de ne lui donner à aucun instant l’occasion de pressentir une possibilité de résister. (150)

Ce thème de l’inutilité de la critique est fondamental. Si la culture pop développe ou non un esprit critique, cela passe par des modalités qui ne sont pas celles de la littérature classique.

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Le classique, c’est ce qui permet un développement sain de l’esprit critique. Et ce développement sain est un développement qui va vers la compréhension. Le concept de

« classique » trouve sa place dans une philosophie herméneutique. Il prend une certaine place dans l’ouvrage de Gadamer publié en 1960 : Vérité et méthode. Dans ce texte le concept de

« classique » est intimement lié à la littérature et il n’y a probablement de littérature valable que la littérature classique ou celle qui le deviendra.

C’est du moins ce qu’il peut sembler de prime abord. Gadamer propose dans cet ouvrage une théorie de la compréhension dans son lien à l’herméneutique et à la vérité. L’un des objectifs recherchés est celui de lier la compréhension à la vérité. Le propos général du livre étant de montrer que cette production de la vérité ne passe pas par une méthode quelconque et que d’une façon générale, il n’y a pas de méthodologie de la compréhension. C’est dans ce cadre que la notion de littérature est convoquée comme une sorte de cas limite de l’expérience esthétique. Celle-ci peut être liée à la notion de classicisme. Une œuvre classique est indépendante de sa présence historique. Elle semble valoir d’une manière éternelle. Cependant, cette notion d’éternité peut paraître en un sens illusoire. En réalité est classique ce qui se réfère à la grandeur d’un passé qui se constitue comme normatif. Gadamer souligne cette ambiguïté d’un classicisme valable en un sens pour tout temps et à la fois inscrit historiquement :

La première composante du concept de « classique » est donc son sens normatif (et cela est entièrement conforme au sens du mot dans les langues antiques et modernes). Mais dans la mesure où cette norme est appliquée rétrospectivement à une « grandeur » unique du passé qui l’illustre et l’accomplit, elle prend un accent temporel qui lui donne forme dans l’histoire. (Gadamer, 1996 : 309)

Ces remarques valent pour la constitution d’une « culture pop ». Celle-ci possède certainement ses classiques. On pourrait même dire que les œuvres sont exclusivement classiques en ce sens qu’elles semblent ne se référer à aucune tradition véritablement établie.

Pourtant cette échappée hors de la tradition peut faire échapper toute possibilité d’interprétation et de compréhension. Il y a sans doute là un problème propre au rapport de la culture pop et de la littérature. Gadamer montre en effet que l’intérêt du classique n’est pas d’échapper à l’histoire pour proposer une œuvre « intemporelle ». Il consiste bien plutôt à introduire un rapport nouveau au temps. La littérature comprise comme chose écrite possède cette faculté de réanimer son sens avec chaque nouvelle lecture. Elle n’est pas puissance de mort, mais bien plutôt une puissance de vie du sens. De ce point de vue-là, elle est intimement liée à la compréhension. Le but d’un texte littéraire est naturellement d’être compris. Cette compréhension ne se fait pas toujours de manière immédiate. Elle exige souvent un travail. Ce travail de compréhension et d’interprétation se fait selon des normes qui sont fixées soit par la tradition, soit par l’œuvre elle-même. Or justement l’œuvre classique est cette œuvre qui s’interprète à partir d’elle-même. Gadamer rappelle cette définition du classique en référence à Hegel. Le classique possède cette capacité de s’inscrire dans n’importe quelle période de l’histoire et d’y être compréhensible comme quelque chose de contemporain, c’est-à-dire de transmettre quelque chose à un monde dont il n’est pas nécessairement issu :

Est classique, selon Hegel, « ce qui se signifie et, s’interprète ainsi lui-même ». Autrement dit, est classique en définitive, ce qui se conserve parce que c’est lui-même qu’il signifie et lui- même qu’il interprète ; ce qui donc parle de telle manière qu’il ne se réduit pas à une simple déclaration sur quelque chose de disparu, ou à un simple témoignage qui reste sur quelque

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chose à interpréter ; c’est, au contraire, ce qui à n’importe quel présent dit quelque chose comme s’il ne le disait qu’à lui. Ce qui s’appelle « classique » n’a pas besoin de commencer par vaincre la distance historique : cette victoire il la remporte lui-même en une médiation constante. Par conséquent, ce qui est « classique » est incontestablement « intemporel », mais cette intemporalité est une modalité de l’être historique (311).

Ces considérations sur le « classique » retentissent sur la question de la « culture pop ». La culture pop qui naît grosso modo à un moment charnière, où la société industrielle commence à devenir pour une part une société de consommation dans les pays occidentaux, est une culture de rupture. Le monde a véritablement changé et les œuvres classiques ne se laissent peut-être pas si facilement réapproprier. La « coappartenance » (311) du monde nouveau à l’œuvre classique et de l’œuvre classique à ce monde nouveau fait véritablement problème. Il n’est pas du tout évident de dire comment la littérature « classique », malgré son côté intemporel, peut parler au monde nouveau. En d’autres termes, lorsque les Beatles évoquent Edgar Poe dans une de leurs chansons, quel sens cela a-t-il ? S’agit-il d’une attitude de rejet, de réappropriation par des moyens latéraux ou bien carrément d’autre chose ? On pourrait multiplier les exemples avec les Doors, qui s’appuient sur les poètes maudits français, en particulier Rimbaud ou Verlaine (ce dernier déclarant dans son art poétique « de la musique avant toute chose » légitime, en un sens, ce genre de réappropriation), ou bien les Rolling Stones, qui refont l’histoire du monde dans leur chant Sympathy for the Devil, en clamant en même temps qu’ils font cette histoire qu’ils se rangent du côté de celui qui refusent de servir le bien et l’ordre classique.

On dira qu’il ne s’agit pas là de littérature. Mais ceci reste toujours discutable : après tout, Bob Dylan a bien été auréolé (probablement à sa grande surprise) du prix Nobel. Tout ceci crée un certain malaise et l’on ne sait à quoi l’on a affaire : s’agit-il d’une culture de la rupture ou bien d’une culture qui lutte pour s’intégrer dans le champ du classicisme dans lequel elle s’intégrera avec le temps ? Cette question n’est pas aisée à décider. Nous souhaitons montrer que les termes de cette question trouvent au moins une amorce de réponse dans la pensée de Gilles Deleuze, qui a pu qualifier sa propre œuvre de « pop philosophie » et qui, en s’intéressant à une « littérature mineure », a lié une « culture pop » à une forme nouvelle de littérature.

II. Culture pop et littérature mineure

Peut-être s’agit-il finalement d’une question d’ambiance. Si l’on parle d’une culture pop, celle-ci navigue après la Deuxième Guerre mondiale dans une volonté de mettre fin à ce qui a constitué l’absurdité du monde d’hier. Il s’agit de passer à autre chose. Ce qui possédait l’autorité du classique n’était plus forcément pris au sérieux. Mais cela ne signifiait pas pour autant qu’il fallait reconnaître un défaut de culture. La « culture pop » ne se considérait certainement pas comme une culture moins accomplie. Elle se considérait comme une culture déviante, c’est-à-dire qui incarne peut-être ce que le philosophe Merleau-Ponty appelait une

« déformation cohérente » (Merleau-Ponty, 1969 : 85). Une déformation cohérente est créée avec l’apparition d’un nouveau « style ». Ce qui importe ici, c’est la cohérence comme le philosophe le soulignera à la fin de son œuvre. Il est néanmoins assez clair que Maurice Merleau-Ponty n’appartenait pas véritablement à une « culture pop » et qu’il restait tributaire d’une culture très classique. Sa revendication à l’innovation ne passait pas par une « culture pop » et ce n’est pas à ce titre que nous nous référons à son œuvre ici. Si Merleau-Ponty possède néanmoins un intérêt, c’est que les problèmes qu’il a posés ont pu donner une formulation nouvelle pour les générations suivantes. Bien qu’il s’en défende, Gilles Deleuze fut probablement touché par cette pensée. Il s’agissait bien pour ce dernier de penser une « culture

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pop », culture qui passait par ce qu’il appelait une « pop philosophie » et même une littérature ou toute autre forme d’art qui pourrait avoir une connotation « pop ».

Que faut-il entendre par-là ? Probablement d’abord, si on prend les choses de manière extérieure, une sorte de vent de liberté qui a suivi les événements de mai 1968 et qui a vu l’apparition de nouvelles universités. L’une de ces universités fut celle de Vincennes, qui incarnait certainement à elle-seule la culture-pop et qui constitua probablement une menace pour les autorités, qui firent disparaître tous les corps et biens de ce lieu de culture en 1980.

Deleuze fut l’une des grandes figures de ce lieu et il nous intéresse parce qu’il incarnait et revendiquait le suffixe « -pop ».

Or que signifie ce suffixe ? Il le précise en un sens dans sa lettre à un critique sévère publiée dans Pourparlers. La culture pop, c’était une certaine manière de changer de « ton ». C’était liée à une sorte de tonalité affective, un changement de sensibilité et un goût pour la déviation. Il ne s’agissait pas de tout remettre à plat en éliminant toute tradition. Il s’agissait de sentir les traditions d’une manière nouvelle et différente :

Dans ma génération, beaucoup ne s’en sont pas tirés, d’autres oui, en inventant leur propre méthode, de nouvelles règles, un nouveau ton. Moi, j’ai « fait » longtemps de l’histoire de la philosophie, lu des livres de tel ou tel auteur. Mais je donnais des compensations de plusieurs façons : d’abord en aimant des auteurs qui s’opposaient à la tradition rationaliste de cette histoire (et entre Lucrèce, Hume, Spinoza, Nietzsche, il y a pour moi un lien secret constitué par la critique du négatif, la culture de la joie, la haine de l’intériorité, l’extériorité des forces et des relations, la dénonciation du pouvoir…, etc.). (Deleuze, 1990 : 14)

La culture pop garde des classiques. Elle les choisit contestataires cependant. Il ne s’agit pas de trouver des auteurs légitimant l’ordre en place. Il est certain, par exemple, que les principes de la philosophie du droit de Hegel ont été lus comme une œuvre destinée à cautionner l’ordre existant et que cette tendance au conservatisme constituait une sorte d’ordre à abattre. Deleuze soulignait ainsi : « ce que je détestais avant tout, c’était le hégélianisme et la dialectique » (14). Le caractère populaire de la culture en question tenait dans une certaine dénonciation du conservatisme politique.

On tient donc là un des traits de la « culture pop » : celle-ci se cherche des classiques pour dénoncer des autorités qu’elle ne reconnaît plus. Mais ce constat reste encore assez extérieur.

Une autre chose caractérise la culture pop : c’est le fait de ne plus chercher à comprendre les œuvres à partir de la tradition. Ici la rupture avec les auteurs de la tradition herméneutique comme Gadamer est complète puisque ces derniers font du rapport à la tradition une condition nécessaire de la compréhension. Pour Deleuze, il s’agit de sortir de la tradition. Ceci n’allait pas de soi pour un homme qui avait reçu une formation qui le poussait à suivre un certain nombre de traditions académiques où les normes étaient souvent fixées. Il souligne, à la fois, l’ambiguïté de son projet : produire, d’une part, une « culture pop », c’est-à-dire en décalage avec une culture classique, et d’autre part, s’inscrire dans une tradition classique. Les livres Logique du sens et Différence et répétition souffrent à ses yeux de ce tiraillement intenable. Deleuze aura beau faire intervenir des analyses sur une littérature un petit peu annexe avec les œuvres reconnues comme classiques (Lewis Carroll, Fitzgerald, Zola ou Artaud dans la Logique du sens) ; il sait très bien que ces œuvres appartiennent à un classicisme certes un peu déviant et que cela ne bouscule pas grand-chose : « J’ai donc essayé de faire deux livres en ce sens vagabond, Différence

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LAURENT BALAGUÉ

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et répétition et Logique du sens. Je ne me fais pas d’illusion : c’est encore plein d’un appareil universitaire. C’est lourd, mais il y a quelque chose que j’essaie de secouer, de faire bouger en moi, traiter l’écriture comme un flux, pas comme un code ». (16)

La culture pop implique ainsi une nouvelle façon d’écrire. Mais d’après le témoignage qu’en donne Deleuze, acquérir ce nouveau style ne fut pas simple : parlant d’un de ses ouvrages suivant, L’anti-Œdipe, il dira « Il est encore bien universitaire, assez sage, et ce n’est pas la pop’philosophie ou la pop’analyse rêvées » (16).

Que signifie alors ce terme de « pop » ? On parle de « pop » philosophie, de « pop » littérature. Mais de quoi s’agit-il ? Si l’histoire de l’expression, c’est l’histoire de la

« déformation » au sens de la « déformation cohérente » telle qu’on la trouve chez Merleau- Ponty, on peut se demander à quelle déformation correspond le mot « pop » ? Deleuze ne réfléchit pas tellement en termes de style. Ni de réappropriation des traditions passées. Le

« pop », c’est justement ce qui ne revendique pas particulièrement de culture établie. Le « pop » ne se réfère pas à une tradition préalable, mais à la compréhension d’un fonctionnement de machine. C’est une manière non-académique de procéder et c’est une manière de détruire ce qui est reconnu académiquement. De L’anti-Oedipe qui s’en prend ouvertement à la psychanalyse freudienne, Deleuze écrit :

Ceux qui savent peu de choses, ceux qui ne sont pas pourris par la psychanalyse, ont moins de problèmes et laissent tomber sans souci ce qu’ils ne comprennent pas. C’est pour cette raison que nous avons dit que ce livre, au moins en droit s’adressait à des types entre quinze et vingt ans. C’est qu’il y a deux manières de lire un livre : ou bien on le considère comme une boîte qui renvoie à un dedans, et alors on va chercher des signifiés, et puis si l’on est encore plus pervers ou corrompu, on part à la recherche du signifiant. Et le livre suivant, on le traitera comme une boîte contenue dans la précédente ou la contenant à son tour. Et l’on commentera, on interprètera, on demandera des explications, on écrira le livre du livre à l’infini. Ou bien l’autre manière : on considère le livre comme une petite machine a-signifiante ; le seul problème est « est-ce que ça fonctionne, et comment ça fonctionne ? » Comment ça fonctionne pour vous ? Si ça ne fonctionne pas, si rien ne passe, prenez donc un autre livre. Cette autre lecture, c’est une lecture en intensité : quelque chose passe ou ne passe pas. Il n’y a rien à expliquer, rien à comprendre. C’est du type branchement électrique. (17)

On pourrait dire de ce point de vue-là que la culture pop, c’est l’introduction de l’électricité dans la culture et la littérature. L’électricité, c’est une différentielle de potentiel. Cela passe s’il y a de la différence. On se situe alors dans une sorte de non-conformisme et comme une sorte d’exigence de la différence. Cette situation qui consiste à chercher quelque chose d’anticonformiste dans la littérature, Deleuze l’a toujours prônée. On la trouve dans ses analyses de Lewis Carroll, de Joyce, de Beckett, de Michel Tournier ou même éventuellement de Zola. Mais c’est naturellement à Kafka que l’on songe en premier lieu parce que c’est dans son livre sur Kafka que le philosophe développe son concept de littérature mineure.

Le concept de littérature mineure est pour Deleuze essentiellement un concept polémique.

Il s’agit de se battre contre les historiens de la littérature classique et instituée. De par sa pratique de la philosophie, Deleuze, au contraire de Merleau-Ponty, se sentait plus géographe qu’historien. Le problème de la littérature mineure, c’est celui d’un territoire auquel l’écrivain

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n’appartient pas par sa langue, mais dans lequel il doit écrire tout de même. « Mineur » ne signifie pas que la langue utilisée (pour Kafka, ce sera l’allemand) soit mineure. Il signifie plutôt la déviation qu’impose une minorité à une langue majeure. Cela relève du défi. Cela relève surtout d’une forme d’impossibilité : Kafka définit en ce sens l’impasse qui barre aux Juifs de Prague l’accès à l’écriture et fait de leur littérature quelque chose d’impossible : impossibilité de ne pas écrire, impossibilité d’écrire en allemand, impossibilité d’écrire autrement (Deleuze, 1975 : 29).

La langue est ainsi déterritorialisée et nomade. Ce caractère est visible chez les Juifs de Prague ou chez les Noirs américains, qui créent des intensités nouvelles dans l’anglais américain, nous dit Deleuze. Ce qui caractérise la littérature mineure, c’est à la fois une déterritorialisation et un aspect complètement politique. Le non-politique est évacué ici. Mais le politique se fait à partir d’une langue neuve, qui ne respecte pas les codes du langage politique ordinaire. Une nouvelle littérature se mettrait en place par la disparition de l’auteur par ailleurs.

Il n’y a plus d’auteur, mais seulement des branchements collectifs d’énonciation. La force individuelle des écrivains apparaît dans une forme de disparition de l’individu : tout devient collectif, c’est-à-dire populaire, par opposition à l’individuel le plus propre. La solitude elle- même devient ici quelque chose de collectif :

Il n’y a pas de sujet, il n’y a que des agencements collectifs d’énonciation – et la littérature exprime ces agencements, dans les conditions où ils ne sont pas donnés au- dehors, et où ils existent seulement comme puissance diabolique à venir ou comme force révolutionnaire à construire. La solitude de Kafka l’ouvre à tout ce qui traverse l’histoire aujourd’hui. La lettre K ne désigne plus un narrateur, ni un personnage, mais un agencement d’autant plus machinique, un agent d’autant plus collectif qu’un individu s’y trouve branché dans sa solitude (ce n’est que par rapport à un sujet que l’individuel serait séparable du collectif et mènerait sa propre affaire). (33)

La littérature mineure désigne un certain rapport à la popularité. Il ne s’agit pas ici de faire jouer un rapport de forces violentes. Il s’agit d’introduire une révolution par le biais de la langue, en imposant des intensités nouvelles et inouïes à cette dernière. Trois choses dominent la littérature mineure : 1) une déterritorialisation de la langue et une pauvreté extrême de son emploi. Mais ce qui est perdu est regagné sur le plan des intensités ; 2) une politisation intégrale des énoncés qui se fait sur un mode de langage non-conformiste ; 3) une dimension collective indéfectible où l’individu disparaît derrière l’énonciation.

Ces trois points caractérisent la littérature mineure, selon Deleuze. Et d’après lui, c’est à partir du concept de littérature mineure qu’on peut comprendre la « culture pop ». La littérature mineure joue ainsi un rôle prépondérant dans son rapport à une langue majeure. Mais pour Deleuze, les plis créés par une littérature mineure sont d’un autre ordre que ceux de la littérature classique. Une littérature classique a finalement pour fonction d’en remplacer une ancienne. C’est la querelle des Anciens et des Modernes. C’est probablement de cette manière- là que Maurice comprenait la littérature : la déformation impliquait un changement de forme dans la même lignée. Or ce n’est justement pas ainsi que fonctionne la culture pop dans son fonctionnement en tant que littérature mineure. Deleuze insiste dans son texte sur Kafka sur le fait que la littérature est au peuple, qu’elle est du peuple et que c’est de ce fond-là que la littérature fait trembler la langue. Si Kafka intéresse Deleuze, ce n’est pas en tant que celui-ci rejoindrait une littérature universitaire. Et pourtant Dieu sait que la faculté et l’école, deux

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instances majeures de légitimation de la « bonne » littérature aux yeux du sociologue Pierre Bourdieu, ont investi Kafka comme un auteur important. Mais ce n’est justement pas ce type de légitimation que Deleuze cherche. Il s’agit bien au contraire de faire jouer la dimension populaire de la littérature en tant que cette dimension inaugure un nouveau type d’énonciation.

Il s’agit de mettre fin à l’idée de l’auteur roi. Il s’agit, au contraire, de voir la machine énonciatrice, c’est-à-dire celle qui produit des agencements.

Tout ceci renvoie à une culture pop, nous dit Deleuze :

Ce qu’on appelle Pop – Pop’ musique, Pop’ philosophie, Pop’ écriture : Wörterflucht.

Se servir du polylinguisme dans sa propre langue, faire de celle-ci un usage mineur ou intensif, opposer le caractère opprimé de cette langue à son caractère oppresseur, trouver les points de non-culture et de sous-développement, les zones de tiers-monde linguistiques par où une langue s’échappe, un animal se greffe, un agencement se branche. Combien de styles, ou de genres, ou de mouvements littéraires, même tout petits, n’ont qu’un rêve : remplir une fonction majeure du langage, faire des offres de service comme langue d’État, langue officielle (la psychanalyse aujourd’hui, qui se veut maîtresse du signifiant, de la métaphore ou du jeu de mots). Faire le rêve contraire : savoir créer un devenir mineur. (Y a-t-il une chance pour la philosophie, elle qui forma longtemps un genre officiel et référentiaire ? Profitons du moment où l’antiphilosophie veut être aujourd’hui langage de pouvoir). (Deleuze, 1975 : 49-50)

Déclaration pleine de paradoxe. Il s’agit de faire de la politique, tout en s’excluant du champ de l’État. On pourra dire, d’une certaine manière, que la « langue majeure » ressemble beaucoup à ce qu’on appelle un classique. Il s’agirait donc de faire de la littérature non classique, mais qui est tout de même de la littérature. Acte politique donc contre les autorités de légitimation habituelles de la chose littéraire (université, école, journaux, télévision, etc.). Il s’agirait de pénétrer l’espace public (le champ politique) tout en étant mineur, c’est-à-dire non public. Tout est politique dans la littérature mineure. Mais on fuit l’agora, ce qui constitue une façon particulière de comprendre Épicure : ce dernier voulait faire de la philosophie tout en se réfugiant dans le jardin, nom de l’école qu’il avait fondé, et ne rien dire dans l’espace public.

Tout reste ici politique et à la fois terriblement secret. Deleuze insistait sur cette ligne transversale qui unissait Hume, Lucrèce, Spinoza et Nietzsche. C’est la ligne de ces philosophes qui proposaient un usage mineur de la philosophie : usage qui n’est pas celui des serviteurs de l’État (il suffit de lire la troisième considération inactuelle de Nietzsche pour en être sûr), mais qui reste pleinement politique. La question du classicisme reste, de ce fait, la question centrale.

Il devient, par conséquent, évident que la culture pop n’est pas simplement à voir comme un phénomène purement récent, mais bien plutôt comme le travail souterrain de la langue qui crée des agencements nouveaux, nous indiquant la marche du monde. Dans ces conditions, la littérature mineure est toujours appelée à se faire corrompre par les autorités instituées. On donne le prix Nobel à Bob Dylan, par exemple, et avant lui à Beckett, c’est-à-dire qu’on les fait entrer dans le champ de l’acceptable, ce qui ne va pas sans quelques surprises. Lorsque Elias Canetti reçoit le prix Nobel et qu’on va voir sa Comédie des vanités au théâtre, cela déclenche un scandale. On avait tout simplement couronné un homme qui proposait des idées et un langage qui ne correspondait pas aux normes de l’acceptable par l’ordre en place. Il ne fait aucun doute que Canetti correspond par tous les points à la littérature « mineure » dont parle Deleuze (Canetti parle une langue qui n’est pas la sienne, déterritorialise tout, vit la vie d’un cosmopolite

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qui s’exprime dans une langue qui n’est pas la sienne et qui, pour des raisons politiques évidentes, ne peut pas ne pas écrire, déploie dans Masse et puissance une immense culture, qui est cependant plus ou moins inconnue des universitaires accrédités). Mais peut-on dire que cet auteur appartient à une culture pop ? La question peut finalement se poser pour chaque auteur de littérature « mineure » au sens deleuzien du terme : s’agit-il d’une culture pop ou d’une culture classique ? La question n’est jamais simple à trancher.

BIBLIOGRAPHIE :

BOURDIEU, Pierre (1995). Les règles de l’art. Paris : Seuil.

DELEUZE, Gilles (1975). Kafka. Paris : Éditions de Minuit.

DELEUZE, Gilles (1990). Pourparlers. Paris : Éditions de Minuit.

HORKHEIMER, Max & ADORNO, Theodor (1974). La dialectique de la raison. Paris : Gallimard.

GADAMER, Hans Georg (1996). Vérité et méthode. Paris : Seuil.

MERLEAU-PONTY, Maurice (1969). La prose du monde. Paris : Gallimard.

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Dimensiones psicosociales de

la interpretación de la novela Don Quijote de la Mancha a la luz de la canción popular The Impossible

Dream del musical Man of La Mancha

LAURA CIOCHINĂ-CARASEVICI Universitatea „Alexandru Ioan Cuza” din Iaşi [email protected]

The aim of this article is to verify that the interpretation that the playwright Dale Wasserman and the lyricist Joe Darion put on the novel Don Quixote of La Manchaby means of the popular song The Impossible Dreamfrom the musical Man of La Mancha(1965) turns Don Quixote into a spokesman of the society of the tumul- tuous 1960s, which allows us to consider the masterpiece of Cervantes eternally current. At the same time, another aim of the present study is to analyse the extent to which Dale Wasserman’s and Joe Darion’s interpretation – rooted in modernity – deprives Don Quixote of his baroque marrow, that is, the game of con- trasts of which his being and his perception of the world are com- posed.

En este trabajo me propongo demostrar que la interpretación que el dramaturgo Dale Wasserman y el letrista Joe Darion hacen del Quijotea través de la canción popular The Impossible Dreamdel musical Man of La Mancha(1965) transforma a Don Quijote en un exponente de la sociedad de los alborotados años 1960, lo que hace que la obra maestra de Cervantes pueda ser considerada eter- namente actual. Al mismo tiempo, otro objetivo del presente tra- bajo es analizar la medida en que la interpretación de Dale Wasserman y Joe Darion —arraigada en la modernidad— le quita a don Quijote la médula barroca, o sea, el juego de contrastes de que se componen su ser y su percepción del mundo.

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Psychosocial Dimensions of the Interpretation of the Novel Don Quixote of La Mancha in Light of the Popular Song The Impossible Dream From the Musical Man of La Mancha

Palabras clave

Don Quijote de la Mancha; Dale Wasserman; Joe Darion;

The Impossible Dream; Man of La Mancha; canción popular; funda- mentación cultural de la mente hu- mana.

Keywords

Don Quixote of La Mancha; Dale Wasserman; Joe Darion;

The Impossible Dream; Man of La Mancha; popular song; cultural foun- dation of the human mind.

AIC nr. 28 2/2021

©2021 AIC DOI: 10.47743/aic-2021-2-0002

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(...) no two people quite agree upon the meaning of Don Quixote.

Dale Wasserman (2001: 90) Se ha escrito tanto sobre el Quijote que el intento de contribuir de forma insólita al acervo quijotesco del mundo parece una misión imposible. No obstante, en este trabajo me propongo sorprender a don Quijote, haciendo que se mire al espejo que le han puesto delante el dramaturgo Dale Wasserman y el letrista Joe Darion, a través del musical Man of La Mancha (1965).

Si, tal como nos hace saber Carlos Ruiz Zafón en la novela El laberinto de los espíritus, “Una historia es, en definitiva, una conversación entre quien la narra y quien la escucha, y un narrador solo puede contar hasta donde le llega el oficio y un lector solo puede leer hasta donde lleva escrito en el alma” (2017: 864), entonces podríamos continuar el raciocinio del novelista español aseverando que las interpretaciones que se le dan a una obra literaria dependen también de la riqueza del alma del lector.

Sin embargo, por más que se trate de una realidad psicológica intrapersonal, el alma de un individuo no puede ser concebida fuera del contexto cultural en el cual esta respira. De hecho, tal como sugiere el psicólogo Michael Tomasello, no se puede respirar fuera de un contexto cultural: “We are (...) fish in the water of culture. As adults investigating and reflecting on human existence, we cannot take off our cultural glasses to view the world aculturally – and so compare it to the world as we perceive it culturally” (1999: 215-216).

Por consiguiente, considerando el caso particular de las interpretaciones de una obra literaria vistas como reflexiones sobre la existencia humana, podemos afirmar que estas son otras tantas matizaciones culturales de la respectiva obra literaria. Cuando se comparan estas recepciones e interpretaciones de una obra literaria en contextos culturales distintos se hace uso del concepto de influencias, o sea, se procede a un análisis textual utilizando el método comparativo para determinar los grados de presencia del texto influyente en el texto influido.

Ulrich Weisstein (1973: 160) define la influencia como una forma consciente o inconsciente de apropiación, al tiempo que Claudio Guillén (1971: 27) se pregunta si, cuando hablamos de una influencia, se trata de un juicio psicológico o literario. A su vez, al hablar de la fuerte admiración que un autor puede tener por la obra de otro autor, Daniel-Henri Pageaux (2000:

196) invoca también el concepto de influencia.

Cualesquiera que sean los enfoques propuestos por varios autores, todos involucran el componente psicológico de la influencia y su importancia irrefutable. Este componente psicológico se hace presente en lo que Claudio Guillén llama “la tensión entre lo local y lo universal” (1993: 5). Los escritores tienen la conciencia de una alteridad artística que existe en otros espacios culturales y, tal como destaca Guillén (9), es muy raro que el ámbito de sus obras sea solamente nacional.

Utilizando imágenes plásticas, Octavio Paz habla de la manera como esta tensión entre lo local y lo universal tiende a aminorarse en la obra de arte:

El arte no es una nacionalidad, pero, asimismo, no es un desarraigo. El arte es irreductible a la tierra, al pueblo y al momento que lo producen; no obstante, es inseparable de ellos. El arte escapa de la historia, pero está marcado por ella. La obra es una forma que se desprende del suelo y no ocupa lugar en el espacio: es una imagen. Sólo que la imagen cobra cuerpo porque está atada a un suelo y a un

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momento… La obra de arte nos deja entrever, por un instante, el allá en el aquí, el siempre en el ahora.(1983: s.p.)

El “allá”, el “siempre” son la savia que los escritores, al engendrar sus obras, buscan en otras tierras literarias. De esta manera, las interpretaciones culturalmente matizadas de una obra literaria giran en torno a un meollo interpretativo universal, en torno a un “allá” y en torno a un

“siempre”. En el caso de la sempiterna novela Don Quijote de la Mancha —el eje de análisis del presente trabajo— este meollo interpretativo universal se alimenta de la representación de don Quijote como el prototipo del individuo inadaptado a la sociedad en la cual vive, un individuo que está en busca de un ideal que los demás no logran entender.

Por consiguiente, esta es también la interpretación que emana de la letra de la canción The Impossible Dream, el tema más popular del musical de Broadway Man of La Mancha (1965). No obstante, como cualquier adaptación de una obra literaria a las artes audiovisuales, el musical Man of La Mancha, con libreto de Dale Wasserman, música de Mitch Leigh y letra de Joe Darion, representa una prueba de cómo la recepción de un cierto universo literario está influenciada por las especificidades sociales y políticas del espacio cultural en el que dicha recepción se produce.

Así, el musical Man of La Mancha fue compuesto en los turbulentos años 1960, “a period in U.S. history marked by social and political unrest” (Jones, 2003: 235). Además de tratarse de una década en que se han producido muchos asesinatos políticos, como, por ejemplo, los de John F. Kennedy, Malcolm X y Martin Luther King, este período está caracterizado por movimientos de protesta contra las guerras, las desigualdades de género y raciales y contra la injusticia social. De este modo, se puede considerar que el objetivo cardinal de los años 1960 era el de hacer del mundo un lugar mejor.

Luchar por enderezar los males del mundo era también la misión de don Quijote, tal como la describe Cervantes:

En efeto, rematado ya su juicio, vino a dar en el más estraño pensamiento que jamás dio loco en el mundo, y fue que le pareció convenible y necesario, así para el aumento de su honra como para el servicio de su república, hacerse caballero andante y irse por todo el mundo con sus armas y caballo a buscar las aventuras y a ejercitarse en todo aquello que él había leído que los caballeros andantes se ejercitaban, deshaciendo todo género de agravio y poniéndose en ocasiones y peligros donde, acabándolos, cobrase eterno nombre y fama. (2001: 40-41)

Es este ideal de don Quijote —quizás salvo lo que subraya Miguel de Unamuno cuando afirma que “El deseo de la gloria fue su resorte de acción” (2011: 162)— que el letrista Joe Darion capta, a su vez, en la canción The Impossible Dream del musical Man of La Mancha. Las primeras tres estrofas de la canción resaltan el idealismo de don Quijote:

To dream the impossible dream To fight the unbeatable foe To bear with unbearable sorrow To run where the brave dare not go.

To right the unrightable wrong

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To love pure and chaste from afar To try when your arms are too weary

To reach the unreachable star This is my quest to follow that star No matter how hopeless, no matter how far.

He aquí el verso “To dream the impossible dream”, el núcleo de la canción. Este verso nos hace pensar en un don Quijote moderno para quien lo importante no es el cumplimiento del sueño, sino la importancia de tener un sueño y el esfuerzo para cumplirlo. Es lo que el dramaturgo Dale Wasserman se propuso sugerir cuando escribió estas palabras en el texto dramático para la televisión, I, Don Quixote (1959), en el cual se basa el musical Man of La Mancha. Por lo tanto, aunque la letra de la canción fue escrita por Joe Darion, las palabras “the impossible dream” le pertenecen a Wasserman. Al referirse a ellas, el dramaturgo confiesa lo siguiente: “When I wrote the phrase the impossible dream (and often, I’ve regretted writing it) I meant literally the dream is impossible, but the continual striving toward it is the point, and not the achievement” (2001: 90).

Cabe destacar que a pesar de que el dramaturgo haya tenido la intención de dar al ideal de don Quijote la interpretación fenomenológica anteriormente referida —ideal este que era el de resucitar los valores del espíritu caballeresco, o sea, la cortesía, la lucha por enderezar los males del mundo, la defensa del honor, el dominio de un lenguaje cortés—, la recepción por parte del público se ha acercado más a la visión quijotesca, tal como la pintó Cervantes, es decir, la de que no hay sueños imposibles. Wasserman expresa su pesar al ver sus palabras entendidas por el público de una manera distinta a la que él había previsto: “Well, something that I have found ironic (…) is that phrase, ‘the impossible dream.’ Unfortunately, it became a catch phrase. (…) but they all misuse it because an impossible dream is literally impossible whereas everyone has taken it to mean some project that is faintly difficult but achievable. It is such a misreading of the phrase and the play, I wish I could correct it” (2001: 91).

Sin embargo, el hecho de que las palabras “the impossible dream” hayan sido entendidas de esta manera es una prueba de que el ser humano, independientemente de la época histórica en la cual vive, lleva dentro una semilla quijotesca que abona cada día y que le da la certitud de que con voluntad todo es posible. Claro está que esta perspectiva moderna de la importancia de la motivación en el cumplimiento de los sueños difiere de la perspectiva barroca de don Quijote. Para él todo es posible porque se lo inventa todo, porque juega con la realidad que pasa a semejarse a un sueño y dentro de un sueño todo es posible.

Don Quijote nos enseña que la realidad se puede convertir en un sueño cuando miramos más allá de lo que se ve y cuando intentamos ser más de lo que somos, pero no olvidando quiénes somos. Él se inventa una nueva identidad y una nueva realidad en la que los molinos de viento se convierten en gigantes y las bacías en yelmos de oro, pero esto no quiere decir que esté loco, sino que juega con la realidad para que esta pase a ser un universo propicio a sus ideales caballerescos. La locura de don Quijote estriba en el hecho de que este lleva su vida como si fuese una novela. El protagonista se identifica con los personajes fabulosos de las novelas de caballerías y procura imitarlos a rajatabla. A despecho de que el héroe agiganta este proceso de identificación e imitación, el lector no tiende a tacharlo de loco, puesto que entregarse de lleno a la ficción es una tendencia natural de los que acreditan que el leer

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representa una fracción importante del sentido de la vida y estos son justamente los que saben cómo leer el Quijote.

Es tal vez por eso que Arturo Andrés Roig hace notar que “Cervantes tuvo la habilidad literaria de presentar como demente a uno de los personajes más cuerdos de la literatura de su época” (2007: 143). He aquí una prueba de la cordura de don Quijote cuando Pedro Alonso, su vecino, intenta refutar la realidad del protagonista:

—Mire vuestra merced, señor, pecador de mí, que yo no soy don Rodrigo de Narváez, ni el marqués de Mantua, sino Pedro Alonso, su vecino; ni vuestra merced es Valdovinos, ni Abindarráez, sino el honrado hidalgo del señor Quijana.

—Yo sé quién soy —respondió don Quijote— y sé que puedo ser, no sólo los que he dicho, sino todos los Doce Pares de Francia, y aun todos los nueve de la Fama, pues a todas las hazañas que ellos todos juntos y cada uno por sí hicieron se aventajarán las mías. (2001: 73-74)

El verso “To dream the impossible dream” parece ser un eco de la frase “Yo sé quién soy y sé que puedo ser”, pues para tener un sueño cuyo cumplimiento cambie algo en el mundo es preciso ser conscientes de quiénes somos y de quiénes podemos ser.

Otro verso de la canción The Impossible Dream detrás del cual podemos percibir la existencia de una filtración interpretativa sociocultural es “To fight the unbeatable foe”. El enemigo invencible contra el cual lucha don Quijote es representado no tanto por los salteadores, los maleantes, los villanos y los bellacos que él se imagina encontrar en sus andanzas, sino precisamente por las personas alrededor de él que no entienden su afán por reavivar los ideales caballerescos en el mundo.

Asimismo, el enemigo invencible de la canción The Impossible Dream debe ser analizado en el contexto de la sociedad de los años 1960. Se trata de un enemigo no solamente invencible

—invencible más por el hecho de tener muchas facetas—, pero también, en cierta medida, invisible: las guerras, el autoritarismo político, las desigualdades de género y raciales, la injusticia y la opresión social. Por tal razón, el musical Man of La Mancha podría ser incluido en la categoría de los así llamados musicales “issue-driven”, tal como destaca John Bush Jones:

An “issue-driven musical” is not just one whose authors began with a theme, issue, or polemical point of view instead of with a story and characters. “Issue- driven” also describes any musical in which a social or political agenda shares center stage with plot and is absolutely inseparable from the story (or, in a revue, its songs and sketches). If things were quiet in the early 1960s, by the time Man of La Mancha opened in 1965 the discontent of America’s youth and (mostly urban) blacks was much more visible to mainstream America. From the New Left to the hippies, Freedom Riders to urban rioters, Women’s Rights advocates to Vietnam protesters, the nation was both energized and challenged by voices of dissent seeking to change government, public institutions, and social reality. (2003: 237)

Tanto en el caso de don Quijote de Cervantes, como en el caso de don Quijote de Wasserman, luchar contra el enemigo invencible se equipara con luchar por la libertad del espíritu humano, la creatividad, la originalidad, la imaginación, todo esto con el fin de hacer de este mundo un lugar mejor.

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Tal lucha quijotesca tiene obviamente un precio, pues cada vez que aparezca una voz que intente revolverse contra un orden preexistente, los demás tratarán de reducirla al silencio. Así, con la supuesta intención de salvar a don Quijote y “procurar la cura de su locura en su tierra”

(2001: 536), el cura, con la ayuda de don Fernando, de los criados de don Luis y del ventero, llegan a quitarle a don Quijote la libertad del espíritu, pero también la del cuerpo, ya que lo enjaulan en un carro de bueyes para traerlo de vuelta a casa: “Y lo que ordenaron fue que se concertaron con un carretero de bueyes que acaso acertó a passar por allí, para que lo llevase, en esta forma: hicieron una como jaula, de palos enrejados, capaz que pudiese en ella caber holgadamente don Quijote. (...) trayendo allí la jaula, le encerraron dentro, y le clavaron los maderos tan fuertemente, que no se pudieran romper a dos tirones” (536-537).

En la canción The Impossible Dream el precio a pagar, o sea, ser humillado por tener el coraje de ser diferente de los demás y de soñar con un mundo mejor, ver tu creatividad, tu imaginación y tus acciones aplastadas por un mundo rígido e implacable es visto como una especie de infierno al cual el idealista don Quijote de los años 1960 está dispuesto a descender para poder seguir su sueño:

To fight for the right Without question or pause To be willing to march Into hell for a heavenly cause.

Es de justicia destacar que en la canción The Impossible Dream estar dispuesto a bajar al infierno por una causa celestial (“To be willing to march/ Into hell for a heavenly cause”) representa una prueba del idealismo específico de los años 1960, un idealismo que el público entiende como tal. No tacha a don Quijote de loco, antes bien lo considera un ejemplo a seguir. De esta manera, el Quijote de Wasserman y Darion es un Quijote que pierde el meollo barroco de que lo ha provisto Cervantes, o sea el juego de cordura y locura de que se compone su ser y que hace que el lector ponga en duda la realidad de las dos formas de estados psíquicos.

De hecho, el idealismo del ser humano se encuentra en el lindero de la cordura y la locura, lindero este que Cervantes ha logrado pintar de forma magistral en su novela. El Quijote de Cervantes no es un loco, tal como se podría inferir a primera vista y tal como lo han intentado demostrar varios estudios clínico-psiquiátricos que se han centrado en el análisis de la etiología y sintomatología del trastorno mental de don Quijote. Por ejemplo, en su artículo titulado Aproximación psicopatológica a El Quijote (según la nosología psiquiátrica actual), Rosana Corral Márquez y Rafael Tabarés Seisdedos subrayan lo siguiente: “Considerando el enfoque de la nosología psiquiátrica actual, don Quijote cumpliría criterios para un Trastorno Delirante y esto se argumenta en base a la génesis del delirio, la sintomatología y los rasgos formales del delirio.

Asimismo, se propone el diagnóstico de Trastorno Psicótico Compartido para la pareja protagonista (don Quijote y Sancho)” (2003: 27).

De verdad, don Quijote ha despertado el interés de innúmeros médicos que coinciden en considerarlo como un enfermo mental. Esta suerte de estudios clínico-psiquiátricos tienen un carácter científico frío que no casa muy bien con el valor literario del Quijote y no logra captar la complejidad de la personalidad del héroe.

En mi opinión, los estudios filológicos no pueden beneficiarse mucho de tales enfoques clínico-psiquiátricos por muy científicos que estos se propongan ser. La terminología utilizada,

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