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LE CAS DES VERBES PLUS OU MOINS MARQUEURS

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LE CAS DES VERBES PLUS OU MOINS MARQUEURS

LIANA POP

Abstract. The aim of the article is to delineate the semantic zones for possible pragmaticalizations, with a view to describing micro and macro syntaxes jointly. We are going to refer here only to verbal expressions which are at the origin of discourse markers, starting from the verbal category known as parenthetical verbs The results will confirm the starting hypothesis that verbs susceptible of such changes can, semantically speaking, be included in the wider category of verbs which refer to the communication situation. Expressing “weak” information, they will be prone to semantic bleaching and to developing pragmatic meanings, many of them even procedural ones. Taking into account their loss of grammatical functions and their non- integration in the sentence (at micro-syntactic level), the discursive space model has helped us integrate these markers at macro-syntactic level, with “places” (spaces) and functions in the discourse.

1. INTRODUCTION

Le but de notre article est celui de délimiter les zones des possibles changements pragmatiques, afin d’arriver à des descriptions intégrant micro et macro-syntaxe. Vu la richesse du phénomène, nous nous proposons de nous en tenir ici aux expressions verbales qui ont subi des pragmatisations. Les études qui s’en sont occupées révèlent essentiellement comme résultats des « parenthétiques » et des marqueurs discursifs MD.

Notre hypothèse de départ est celle de dire que dans la catégorie des verbes, les verbes d’énonciation (verbes sémantiquement liés à la situation de communication) sont les plus susceptibles de subir des pragmatisations, ne serait- ce que parce qu’ils véhiculent des informations plus «faibles» que celles qui,

« décrivant le monde », sont en général perçues comme informations plus fortes dans la communication. Or, et on l’a maintes fois prouvé pour la grammaticalisation, une expression linguistique qui véhicule une information faible va généralement occuper une position faible dans la chaîne discursive. Pour les

* Nous préférons aux termes se pragmaticaliser et pragmaticalisation (d’origine sûrement anglo-américaine) les termes plus naturellement dérivés en français de se pragmatiser et pragmatisation.

RRL, LIV, 1–2, p. 161–172, Bucureşti, 2009

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verbes, il semble que les verbes préfixes ou en incise, la plupart connus comme

« parenthétiques », sont les plus susceptibles de se pragmatiser comme marqueurs (particules) discursives – expressions porteuses de sens faibles, procéduraux.

C’est ce que nous essayons d’examiner dans ce qui suit.

2. CADRE METHODOLOGIQUE

Pour ce qui est du type d’approche, nous voulons d’abord mettre à profit les approches qui définissent la pragmatisation comme grammaticalisation élargie (Traugott 1995), afin de délimiter ces deux types de changement linguistique qui sont souvent confondus sous la même étiquette de « grammaticalisation ». D’un autre côté, nous reprendrons à Blanche-Benveniste et Willems (2007) la catégorie de verbes faibles, qui nous semble correspondre au profil des verbes pris ici en considération. Enfin, nous voulons exploiter la théorie des espaces discursifs, telle que développée dans Pop 2000, afin de mieux circonscrire les types de sens susceptibles de se pragmatiser et mieux intégrer micro et macro-syntaxe.

2.1. Grammaticalisation ou pragmatisation ?

Le terme de grammaticalisation est la plupart du temps utilisé pour désigner des processus de changement pragmatique, ce qui s’explique par les modifications similaires dans les deux changements ; la plus évidente en est la perte du sens lexical.

Pour faire le départ entre grammaticalisation et pragmatisation, il faut préciser en premier lieu que le résultat d’une grammaticalisation est une marque grammaticale, alors que celui d’une pragmatisation est une marque pragmatique- discursive.

Si on reprend les quatre paramètres de la grammaticalisation (désémantisation, décatégorisation, réanalyse et changement phonétique), on observe en premier lieu que les trois premiers semblent bien se retrouver dans la pragmatisation en égale mesure.

Ainsi, pour le verbe lexical aller, il y a bien désémantisation, décatégorisation et réanalyse non seulement pour arriver à l’auxiliaire aller du futur (résultat : un morphème grammatical), mais aussi pour arriver au marqueur discursif MD allez ! (résultat : un mot pragmatique).

Pour ce qui est du changement phonétique (dernier paramètre), nous croyons qu’il devrait plutôt être appelé, de façon plus large, «prosodique» : pour le même verbe, à l’affaiblissement intonatif de l’auxiliaire (dans vous allez parler?, l’accent dans le syntagme est porté par le verbe « plein » parler) s’oppose le renforcement suprasegmental (intonation forte, pause-frontière d’acte) de l’interjection-marqueur discursif MD (dans Allez ! Parlez !, les intonations des deux verbes sont identiques et les deux verbes sont délimités, prosodiquement, par des frontières). Or, il nous semble que ce dernier paramètre a été insuffisamment considéré jusqu’à présent.

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Enfin, si lors de la grammaticalisation l’intégration de l’élément est de type micro-syntaxique (le verbe aller devient auxiliaire dans le syntagme verbal), lors de la pragmatisation elle est macro-syntaxique (le verbe aller devient acte : acte d’encouragement – une évidente fonction pragmatique). Pour le premier cas, l’intégration est grammaticale, pour le second, discursive.

Mentionnons, car très importants pour la distinction, les paramètres énoncés par Traugott & Dasher (2005 : 40) pour les « tendances pragma-sémantiques » :

◊ non-subjectif > subjectif > intersubjectif

◊ vériconditionnel > non vériconditionnel

◊ conceptuel > conceptuel/procédural > procédural

◊ incidence propositionnelle > incidence trans-propositionnelle / discursive On remarque facilement que tous les paramètres et les parcours indiqués par les auteurs suggèrent, comme nous le soutenons aussi, une préférence, dans la pragmatisation, pour les zones énonciatives de la communication.

2.2. Les verbes recteurs faibles

Telle que décrite (cf Blanche-Benveniste 1989 ; Blanche-Benveniste et Willems 2007), la catégorie des recteurs faibles comprend généralement des verbes dits, selon les auteurs, « évidentiels », « épistémiques » ou « parenthétiques », tels, pour le français: je crois, je pense, je trouve, il me semble, il paraît, j’ai l’impression, on dirait, je dirais, qui se mettent facilement en position « faible », d’incise, et ont tendance à se désémantiser/grammaticaliser.

En accord avec toute la bibliographie qui s’occupe des marqueurs discursifs issus de verbes, il nous semble d’ores et déjà que ces verbes faibles proviennent d’une catégorie plus large de verbes, référant à plusieurs ingrédients de l’énonciation que les modaux ou les « épistémiques ». Nous nous proposons d’en faire ici un premier bilan.

2.3. Les espaces linéarisés dans le discours

Enfin, pour ce qui est de la théorie des espaces discursifs (Pop 2000), nous considérons qu’elle peut aider à mieux cerner les types d’informations dans le discours, avec la délimitation qu’elle fait entre descriptif (D), subjectif (s), interpersonnel (Ip), interdiscursif (Id), métadiscursif (Md), paradiscursif (Pd), présuppositionnel (pp), etc. En même temps, cette thórie

(a) donne mieux à voir, dans la chaîne référentiel > non référentiel supposée par la pragmatisation ce que ‘non référentiel’ veut dire ;

(b) délimite mieux fonctions discursives vs fonctions grammaticales ;

(c) décrit mieux l’articulation micro et macro-syntaxique (ou grammaire-discours).

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3. ÉTUDE DE CAS : VERBES IMPLIQUÉS DANS LE PROCESSUS DE COMMUNICATION

Rappelons notre hypothèse de départ, que les verbes les plus susceptibles de se pragmatiser sont les verbes « de communication », ceux qui véhiculent, justement, des informations de type pragmatique, liées à l’énonciation. Nous l’avons remarqué pour les verbes devenus marqueurs pragmatiques, qui s’avèrent pour la plupart être des verbes référant à la situation de communication.

Pour circonscrire le phénomène, nous tentons d’effectuer ci-dessous une distribution sémantique de ces verbes sur un schéma classique de la communication:

Émetteur > Message > Destinataire Conditions externes (les dires) Conditions

(mouvement, écoute, regard/vue) de compréhension

Conditions internes (comprendre, voir)

(savoir, croire, penser, sembler/paraître, avoir l’impression, aimer/plaire...)

Pour revoir le comportement sémantico-pragmatique de ces verbes, nous prendrons ci-dessous à tour de rôle ces différentes catégories verbales, en français et en roumain, et constaterons qu’ils ont donné des formes figées, désémantisées (leur sens référentiel se trouve affaibli), et remplissant des fonctions pragmatiques (actes), voire procédurales (marqueurs discursifs MD). Les colonnes des tableaux que nous avons dressés reflètent ces changements pour les verbes observés, rendant mieux compte de l’ensemble du phénomène pour les deux langues.

Enfin, selon la position qu’ils occupent dans le schéma communicatif, nous avons appelé ces verbes « verbes externes » (4.1.), « verbes internes » (4.2.),

« verbes de parole » (4.3.) et « verbes de compréhension » (4.4.).

3.1. Verbes « externes»

Il s’agit de verbes dont le sens « plein » décrit/conceptualise les conditions objectives nécessaires au bon fonctionnement communicatif : principalement les conditions d’écoute (fr écouter ; ro a asculta, a auzi) et de vue (fr voir, regarder ; ro a se uita), nécessaires pour que les participants à l’interaction puissent communiquer.

On peut voir que ces verbes, dans leur emplois lexicaux, décrivent des activités non verbales, sémantiquement liées au fonctionnement de la communication.

Pour ce qui est des verbes français tenir et aller, avec un sémantisme également « externe », ils semblent se ranger dans cette même catégorie, même s’ils sont moins liés au sémantisme proprement énonciatif : ils concernent, au sens propre, le transfert direct d’objets (tenir) et la proxémique (aller). On verra que, pragmatiquement, ils référeront, de façon plus vague, le premier aux transferts des

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messages, le second à ce qu’on appelle « mobilisation » communicative (pousser à parler). Les deux verbes ont donné des marqueurs discursifs en français, comme on peut le voir dans le tableau ci-dessous:

Verbes externes

Formes ± figées Actes/marqueurs

(sens actionnel/sens procédural) fr: écouter

ro: a asculta écoute, écoutez ascultă, ascultaţi

APPEL (fonction conative) fr: -

ro: a auzi -

auzi, auziţi

APPEL (fonction conative) fr: regarder

ro: a se uita

regarde, regardez uite*, uitaţi

ARGUMENT, EXEMPLE

fr: voir

ro: - voilà

-

MD (ratificateur thématique, constatation, ponctuant)

fr: tenir ro: -

tiens, tenez -

EXEMPLE

fr: aller ro: -

allez!, vas-y ! hai, haide, haideţi

ENCOURAGEMENT

On peut remarquer une certaine symétrie, notamment pour les verbes dont le sémantisme est étroitement lié aux conditions de la communication (fr écouter ro a asculta ; fr regarder ro a se uita ). Mais les changements ne sont pas identiques dans les deux langues : pour le français, c’est le verbe voir qui a donné une interjection (voilà), résultat d’une lexicalisation (vois là > voilà) ; pour le roumain, c’et le verbe a se uita ‘regarder’: uite est à la fois le résultat d’une désémantisation, d’un changement phonétique (uită-te > uite) et d’une recatégorisation (le verbe devient interjection).

Tenir et aller n’ont pas le même comportement, seul le français les ayant pragmatisés. Pour allez!, le roumain n’utilise pas l’équivalent verbal, mais une interjection (hai, haide, haideţi), qui s’est lexicalisée en roumain en endossant un morphème verbal de la 2e personne du pluriel, -ţi ‘-ez’, dans haideţi ‘allez’.

Pour ce qui est des parcours sémantiques, remarquons que la plupart de ces verbes sont indexés dans l’analyse du discours comme marqueurs pragmatiques d’actes – résultat d’une pragmatisation déclarée ou non. À notre avis, sauf fr écouter ro a asculta, a auzi, ces verbes « externes » ne réfèrent pas dans leur emploi littéral à la communication verbale proprement dite et semblent avoir subi un changement métaphorique : fr regarde(z), ro uite, uitaţi, marqueurs d’exemples ou d’argument, ne donnent plus à « voir » un objet non verbal mais un « objet du

* Les expressions en gras sont des MD en français et en roumain.

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discours », tout comme voilà, marqueur de ratification thématique, de constatation, ponctuant, etc., qui « montre » quelque chose dans le discours et non plus dans le monde. Le sens vériconditionnel de ces marqueurs s’est transformé en sens métadiscursif.

3.2. Verbes « internes »

Nous avons appelé « verbes internes » les verbes qui ont un rapport étroit avec les attitudes subjectives des participants à l’interaction: verbes modaux, d’attitude, de sentiment du locuteur et/ou supposés chez l’interlocuteur, tels: fr savoir ro a şti, fr croire ro a crede, fr penser ro a se gândi, fr sembler ro a părea, fr paraître ro a părea, fr avoir l’impression ro a avea impresia, fr aimer, plaire ro a-i plăcea.

Le tableau suivant montre que ces verbes ont bien subi des pragmatisations:

non seulement ils ont perdu de leur sens descriptif « plein », mais ils se sont figés dans un sémantisme et souvent un phonétisme plus faibles : prosodiquement, ils sont prononcés, notamment en position incise, avec une intonation basse, et sont rendus à l’écrit entre une paire de virgules*. Ils encodent des actes verbaux comme

‘information’, ‘opinion’, ‘demande’, etc., qui sont des fonctions pragmatiques par excellence. Les ouvrages de pragmatique en décrivent la plupart comme marqueurs ou particules discursives, ayant subi un processus de pragmatisation.

Dans le tableau, les formes en gras indiquent les pragmatisations les plus complètes, avec lexicalisation plus ou moins complète, désémantisation et affaiblissement phonétique, changements auxquels il faut nécessairement ajouter le détachement prosodique et syntaxique (positions frontale ou parenthétiques préférées).

Ces détachements sont l’indice de ce que nous avons déjà appelé ailleurs

« conversions pragmatiques » − changements de fonctions/relations grammaticales en fonctions/relations pragmatiques (Pop 2000, 2005) : les verbes recteurs s’affaiblissent sémantiquement et syntaxiquement (Tu sais que...) ; perdent leur statut grammatical, leur connecteur de subordination et plus ou moins de leur substance phonétique ; ils s’autonomisent en incises (tu sais/t’sais), tout en acquérant, par là, des fonctions d’actes ou de marqueurs. C’est le cas de parcours comme :

fr Tu sais que...

ro Ştii că... > tu sais

>ştii > t’sais

Verbes recteurs

Prédicats forts > verbes parenthétiques

> prédications faibles/actes > marqueurs fr Il me semble que...

Il paraît que...

ro (Mi) se pare că...

> il me semble il paraît > mi se pare

> i’m’semble/ me semble-t-il > paraît-il

> pare-mi-se/ parcă Verbes recteurs

Prédicats forts

> verbes parenthétiques

> prédications faibles/actes

> marqueurs

* Ce sont les « parenthétiques » prototypiques.

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Dans le tableau suivant, nous indiquons les principaux verbes « faibles »/

parenthétiques et les fonctions pragmatiques-discursives qu’ils ont développées :

− actes d’information, d’opinion, de croyance ;

− marqueurs (ro pare-mi-se, parcă ; fr s’il vous plaît).

Verbes internes

Formes ± figées Actes

fr: savoir

ro: a şti tu sais (que), t’sais, vous savez (que), que sais-je ?, je ne sais pas, j’sais pas, sache que ştii (că), ştiţi (că), ştiu şi eu ?, să ştii (că), să ştiţi (că)

INFORMATION

fr: croire

ro: a crede je crois que, j’crois cred (că)

OPINION

fr: penser

ro: a se gândi je pense (que), j’pense

mă gândesc (că) CROYANCEOPINION

fr: sembler ro: a i se părea

il me semble (i’m’semble)(que), semble-t-il mi se pare (că), pare-mi-se

CROYANCE

fr: paraître

ro: a părea il paraît que, paraît-il

se pare, pare-se, se pare că > parcă

CROYANCE

fr: avoir l’impression ro: a avea impresia

j’ai l’impression (que) am impresia (că)

CROYANCE

fr: aimer

ro: - j’aimerais ( bien)(que) -

DEMANDE

fr: plaire ro: a-i plăcea

s’il vous plaît mi-ar plăcea (să)

DEMANDE

3.3. Verbes de parole

Ces verbes réfèrent aux « dires » (dire a zice, jurer a jura, promettre a promite, remercier a mulţumi). Utilisés à la première personne du singulier de l’indicatif présent, ils décrivent et effectuent en même temps l’acte verbal concerné (« verbes performatifs » : fr j’te jure, je te promets, j’te remercie, je te prie, je vous prie ro mulţumesc, te rog, vă rog). Or, comme on peut le voir dans le tableau ci- dessous, ils se sont figés dans les deux langues, indiquant, pragmatiquement, des actes produits par les locuteurs.

Comme les autres verbes d’énonciation que nous avons déjà observés ci- dessus, dans leurs positions « frontales », en tête de phrase, ces verbes sont le plus souvent des verbes recteurs (on dirait que), mais ils peuvent, même dans ces positions, perdre leur connecteur et s’affranchir, ainsi, de la relation grammaticale (on dirait), et/ou perdre de leur force syntaxiquye et phonétique (dirait-on). Ces parcours pourraient être configurés comme :

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fr On dit que...

ro Se zice că...

> on dit

> se zice

> dit-on

> zice-se, cică Verbes

recteurs Prédicats forts

> verbes

parenthétiques

> prédications faibles/

actes

> verbes parenthétiques

> prédications faibles/actes

> marqueurs

Les verbes parenthétiques en incise, déjà affaiblis dans leur statut syntaxique et devenus actes, peuvent continuer de s’affaiblir, même au niveau de leur sens pragmatique, et ne plus garder qu’un statut de marqueur ; on le voit, par exemple, avec se zice că > cică du roumain.

Verbes de parole

Formes ± figées Actes/marqueurs

fr: dire

ro: a zice/

a spune

dit-il, dis, dites, dis-donc, je dirais, comment dire, on dirait (que), je dois vous dire (que), c’est-à-dire (que)

zise (că), zi, ziceţi/spune, spuneţi, aş zice (că), cum să zic

vreau/trebuie să vă spun/zic (că), vasăzică,...

se zice că > cică

COMMENTAIRE META/

INTERDISCURSIF,

DEMANDE DE DIRE,

TRAVAIL DE FORMULATION,

MD DINFORMATION FORTE

fr: jurer ro: a jura

j’te jure

(jur pe Dumnezeu >) zău

GARANTIR

fr: promettre

ro: - j‘ te promets -

RASSURER

fr: remercier ro: a mulţumi

j’te remercie, merci mulţumesc

REMERCIER

fr: prier ro: a ruga

je te prie, je vous prie te rog, vă rog

DEMANDE

Le tableau indique que le roumain aurait développé plus de marqueurs issus de cette catégorie que le français :

ro : vasăzică ‘c’est-à-dire’ ; cică ‘dit-on’ ; zău ‘pardi’ ; mulţumesc ‘merci’ ; te rog

‘s’il te plaît’ ;

fr : c’est-à-dire, merci (ce dernier est dit « déverbal » ; pragmatiquement, c’est un marqueur d’acte).

Dans cette catégorie, on pourrait encore inclure des verbes de mouvement, utilisés métaphoriquement pour la gestion du dialogue, tels : continue(z), arrête(z), attends/attendez. De toutes les façons, utilisés en référence au discours, ces verbes sont bien la preuve d’un changement sémantique sur les parcours :

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◊ vériconditionnel > non vériconditionnel

◊ conceptuel > procédural

Vu leur référence métacommunicative, ils restent susceptibles de changements pragmatiques plus poussés. Telle l’expression je vais y arriver qui réfère presque toujours à la difficulté de formulation du discours (une opération para/métadiscursive) et non au monde.

3.4. Verbes de compréhension

Nous avons inclus dans cette catégorie des verbes qui, dans la situation de communication, réfèrent au processus cognitif de la compréhension. Ce processus peut être littéralement exprimé ou non : les exemples les plus courants concernent, respectivement le verbe comprendre, pour l’expression littérale, explicite, et le verbe voir, comme expression non littérale, métaphorique. Ces verbes sont en voie de pragmatisation, mais n’ont pas donné des marqueurs proprement dits (voyez- vous ? n’est peut-être pas tout-à-fait marqueur).

Verbes Formes ± figées Actes

fr: comprendre ro: a înţelege

j’comprends, comprenez-vous ?

înţelegi ?, întelegeţi ? CONTRÔLE fr: voir

ro: a vedea

je vois, tu vois ?, vous voyez ?,voyez-vous ? vezi ?

CONTRÔLE, accusé de réception, RAD*

CONSTAT

Remarquons que le verbe voir s’utilise dans plusieurs langues comme « figure de la représentation mentale » (cf an I see ; fr je vois).

Dans ce même sens, on pourrait prévoir un avenir pragmatique au verbe suivre qui s’utilise dans l’expression adressée vous me suivez ?, tu me suis ?, avec le même sens de contrôle de la communication que comprendre et voir. Si ces expressions ne semblent pas encore vraiment figées, elles s’utilisent pourtant très couramment et pourraient donc facilement s’user et entraîner des changements sémantico-pragmatiques.

5. QUELS ESPACES DISCURSIFS POUR LES VERBES MARQUEURS ?

Pour mieux circonscrire les zones sémantiques des expressions étudiées, le cadre d’analyse en termes d’ « espaces discursifs » nous semble utile parce qu’il donne une grille sémantique du discours, délimitant des zones sémantiquement

* Marqueur de Recherche d’Approbation Discursive.

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différentes selon les types d’information. Utilisés pour les verbes d’énonciation que nous observons ici, ils peuvent montrer les zones sémantiques préférées, dans la situation de communication, par la pragmatisation.

Espace Actes/opérations Expressions ± verbales Métadiscursif Md commentaire méta

(incises), reformulations

dit-il

zise, zi, ziceţi, spune, spuneţi, aş zice, cum să zic, se zice că > cică c’est-à-dire, vasăzică

Interdiscursif Id marqueurs polyphoniques

il a dit que cică Interpersonnel Ip exhortations, contrôle

...

allez! haideţi! écoute, écoutez, ascultă, ascultaţi, regarde, regardez, uite, uitaţi, tiens, tenez, tu sais, vous savez, sache que, ştii, ştiţi, să ştii că, să ştiţi că, s’il vous plaît,

Subjectif s attitudes,

modalités subjectives

je vois, je dirais, que sais-je ?, je ne sais pas, ştiu şi eu ?, je crois (j’crois)(que), cred (că), je pense (j’pense)(que)

mă gândesc (că), il me semble (i’m’semble), semble-t-il

mi se pare, pare-mi-se, paraît-il, se pare, pare-se, se pare că >

parcă, j’ai l’impression (que), am impresia (că), j’aimerais (bien)(que), mi-ar plăcea, on dirait, j’te jure, zău,

Descriptif D référence au Monde

Paradiscursif Pd travail de formulation disons, je dirais, on pourrait dire să zicem, aş (putea) zice

Présuppositionnel pp

rappel, exemple tiens, tenez Intersémiotique/

Non verbal Is

appel, exemple écoute, écoutez ascultă, ascultaţi regarde, regardez, uite, uitaţi Mieux prédire les possibles changements linguistiques (cf Traugott 2003 : 644) ne serait peut-être pas vraiemnt utile, mais circonscrire les zones préférentielles de ces changements semble indiquer les « places discursives » censées accueillir, dans une macro-syntaxe, les expressions parenthétiques dites non intégrées grammaticalement.

L’articulation de la micro-syntaxe et de la macro-syntaxe peut ainsi gagner en rigueur.

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Ainsi, dans les exemples simples 1 et 2 ci-dessous, l’information principale,

« descriptive du monde (D), est, comme le plus souvent, dans la zone sémantique

« forte » du discours, tandis que les verbes-marqueurs j’pense et tu sais et c’est-à- dire, non intégrés grammaticalement, prennent, dans la grille plurinivellaire des espaces discursifs, des places situées dans les zones sémantiques « faibles » – en l’occurrence, de par leurs marques subjective, d’adresse et métadiscursive, dans les zones, respectivement, de la subjectivité (s), des relations interpersonnelles (Ip) et métadiscursives (Md):

(1) Eh bien la journée de travail, j’pense, elle est de neuf heures et demie.

Md Eh bien

s j’pense

D elle est de neuf heures et

demie à 5.

Pd Eh bien

La journée de travail

(2) y font du flood tu sais, c’est-à-dire y écrivent euh la même phrase cinquante fois pour envahir le channel (repris d’après Morel)

Md c’est-à-dire y écrivent euh la même phrase cinquante fois...

Ip tu sais

D y font du flood

Ces zones sémantiques, on le voit, semblent être les plus susceptibles de recevoir les expressions procédurales portées par les marqueurs pragmatiques.

5. CONCLUSIONS

i. La comparaison du français et du roumain confirme notre hypothèse que les verbes les plus susceptibles de subir des pragmatisations sont bien les verbes d’énonciation ; elle révèle aussi que dans les deux langues l’inventaire de ces verbes peut légèrement varier et qu’ils ont subi des degrés différents de pragmatisation : on constate que si, d’un côté, certains verbes restent encore sémantiquement assez forts, d’un autre côté, beaucoup d’autres connaissent des positions parenthétiques plus libres ou sont même devenus « marqueurs » ou

« particules » (fr voilà ; ro cică, zău, parcă).

ii. Le cadre d’analyse en termes d’ « espaces discursifs » permet une redéfinition des « sens fonctionnels » utilisés dans les théories sur la grammaticalisation : nous avons délimité ici entre « fonctions discursives » (occupant

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des espaces énonciatifs/informationnels distincts) et « fonctions grammaticales » proprement dites, celles qui sont prises généralement en compte par les théories sur la grammaticalisation. Or, la pragmatisation impose qu’on définisse les sens fonctionnels de façon pragmatique, ce que nous avons fait dans ce qui précède.

En même temps, la modélisation du discours en termes d’espaces sémantiques distincts permet l’articulation des structures grammaticales et discursives, en assignant des « places discursives » aux actes et aux marqueurs non intégrés grammaticalement.

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